Catherine Sinet se marre (c'est souvent le cas) : «Quand on a lancé le journal, on pensait qu'on ferait trois numéros.» Dix ans après sa création, Siné Hebdo, devenu Siné Mensuel en 2011, est toujours là. Sans pub et sans actionnaire puissant, vivant uniquement de ses ventes : 16 000 à 21 000 exemplaires par mois. A l'équilibre plus ou moins précaire selon les années, le titre, qui doit parfois faire appel aux dons de ses lecteurs, a survécu au décès de son emblématique fondateur il y a deux ans. «Quand Siné est mort, je pensais qu'on allait perdre des lecteurs, poursuit sa veuve, qui a repris la direction. On a perdu 3 % ou 4 % d'accros mais c'est tout. Et à l'intérieur, les dessinateurs sont restés. Bien que je ne sois pas dessinatrice, que je sois une femme et plus toute jeune!» Elle se marre à nouveau.
Pour fêter sa décennie d'existence, «le journal qui fait mal et ça fait du bien», que Siné avait créé après s'être fait virer de Charlie Hebdo par Philippe Val pour continuer à «chier dans les bégonias», sort mercredi un formidable hors-série (9,90 €), compilant 400 dessins publiés dans ses pages. Geluck, Malingrëy, Berth, Willem et beaucoup d'autres dont Siné lui-même occupent ces pages hilarantes. «Un dessin de presse, c'est un coup de poing dans la gueule, c'est l'air du temps, ça fait réfléchir», définit la patronne, qui confie son goût pour l'illustration sans parole pratiquée en couverture par le New Yorker . «La ligne éditoriale de Siné, c'est à gauche toute. Plus c'est à gauche, mieux c'est. Ni dieu ni maître, ça c'est clair. On donne des infos, on raconte la vérité et on ne fait surtout pas de morale. Jamais d'édito. Les lecteurs sont suffisamment intelligents pour se faire une idée eux-mêmes.»
Pour la suite, Catherine Sinet aimerait bien «filer» le journal à quelqu'un de confiance : «La personne qui pourrait [le] reprendre magnifiquement est Charline Vanhoenecker. je lui en ai déjà parlé.» Depuis quelques mois la fine lame belge de France Inter est aussi chroniqueuse à Siné.