«Les terrains d'urban provoquent-ils le cancer ?» La question soulevée par le magazine So Foot dans son édition de novembre dernier avait suscité des inquiétudes, tant du côté des sportifs professionnels ou amateurs que de celui des associations et des plus hautes instances de l'Etat. Pour preuve, dans la foulée de l'enquête, six ministères français avaient décidé de saisir l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur les éventuels risques liés à ces petits granulés en caoutchouc recyclés à partir de vieux pneus et qui composent non seulement des terrains de sport (environ 3 000 en France) mais aussi des aires de jeux pour enfants ou encore des litières pour animaux. Et les sources d'exposition sont multiples : par voie cutanée, orale ou l'inhalation de poussières.
«Ça nous conforte dans notre inquiétude»
Sur la base d'études existantes et d'expertises internationales disponibles sur le sujet comme celles de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et de l'Institut néerlandais pour la santé et l'environnement (RIVM), l'Anses publie ce mardi 18 septembre une note qui conclut à un «risque peu préoccupant pour la santé et […] des risques potentiels pour l'environnement».
Si elle observe des risques d'irritations oculaires, respiratoires et cutanées, il est précisé que «les analyses épidémiologiques existantes ne mettent pas en évidence d'augmentation du risque cancérogène, en particulier des lymphomes et leucémies […] au vu des faibles concentrations de substances cancérogènes émises ou relarguées par les granulats de pneus». Un tout premier constat à relativiser au vu «des incertitudes liées à des limites méthodologiques et un manque de données», souligne cependant l'Agence, pointant notamment «la variabilité de la composition des terrains synthétiques». «Ça nous conforte dans notre inquiétude», a notamment commenté auprès de l'AFP le président de l'association Robin des Bois, Jacky Bonnemains.
Sur le volet environnemental, les données signalent l'existence de risques potentiels liés au relargage de métaux (comme le zinc) «via les sols et les systèmes de drainage des eaux de pluie». L'Anses recommande notamment «l'élaboration d'éléments méthodologiques en vue de la conduite d'évaluation des risques environnementaux, à réaliser localement avant toute mise en place de ce type de revêtement» et soutient «la proposition de restreindre la teneur en HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) dans les granulats de caoutchouc», classés pour certains comme cancérogènes probables, notamment par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ).
Aucune réglementation
De façon générale, la note préconise notamment une «analyse plus large des polluants contenus et émis par ces granulats», et «d'approfondir les connaissances sur les niveaux d'exposition» des terrains synthétiques indoor.
Des premières expertises avaient été menées aux Etats-Unis après les constatations de l'entraîneuse nord-américaine d’équipes de foot universitaires Amy Griffin, qui avait remarqué une forte augmentation du nombre de joueurs victimes de leucémies et de lymphomes.
Depuis une directive de 1999, les pneumatiques usagés doivent être obligatoirement collectés puis recyclés (environ 90 000 tonnes de pneus ont été recyclées en granulats en 2016), rappelle l’Anses, qui fait remarquer qu’il n’existe aucune réglementation encadrant la composition chimique des granulats de pneus.