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Décryptage

Sur les pas de notre empreinte carbone

Grâce à une étude de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, chacun peut désormais mesurer l’impact de l’un de ses objets du quotidien sur les émissions de CO2.
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publié le 26 septembre 2018 à 20h26

Depuis plusieurs années, chaque citoyen peut observer combien de carbone il dépense pour ses voyages en train ou en avion. Désormais, il peut aussi savoir ce qui se passe à son domicile côté CO2. Une étude de l'Agence française de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) publiée mercredi (1) dresse un état de lieux sur ce que consomme chaque équipement du domicile, des appareils électroniques aux meubles, en passant par les vêtements.

De quoi parle-t-on ?

«L'équivalent carbone est une unité de mesure scientifique, comme le mètre ou le kilo», débute Romain Poivet, chargé de mission climat à l'Ademe. Cette unité permet de «quantifier l'impact d'une activité ou d'un objet sur le changement climatique». Concrètement, on attribue à ce que l'on veut évaluer un «équivalent» en CO2, soit la quantité de CO2 qui aurait le même potentiel de réchauffement que cette action ou cet objet sur une période donnée. En théorie, on aurait donc aussi pu établir des équivalents en méthane, protoxyde d'azote ou autres hydrocarbures halogénés dont le pouvoir de réchauffement d'ailleurs est parfois supérieur au CO2. Si le gaz carbonique - aussi appelé CO2 ou dioxyde de carbone - a été choisi, c'est notamment parce qu'il est le principal gaz à effet de serre, contribuant au réchauffement du climat.

Les émissions d’un bien ou d’une activité (transport, alimentation, chauffage) sont estimées en multipliant des données mesurables (kilomètres parcourus, kilogrammes de viande consommés…) par un coefficient de conversion fixé à partir de différentes études. Ou, pour les activités plus difficiles à mesurer, ainsi que pour les émissions indirectes, en utilisant des modèles tirés d’études scientifiques.

Au début des années 2000 en France, plusieurs spécialistes avec l'appui de l'Ademe ont mis au point une méthode spécifique permettant aux entreprises de connaître leur impact sur le changement climatique. C'est la naissance du «bilan carbone», mesuré en «kilogramme équivalent CO2». Ce type de calcul s'est ensuite élargi et le «grand public» a à son tour pris conscience du poids écologique de ce qu'il achète : «Pour mesurer l'impact carbone d'un jean, on va faire l'inventaire de tous les flux (matière, énergie…) qui ont permis de le fabriquer, explique Romain Poivet. Comme l'impact carbone traduit avant tout la consommation énergétique, ils ne seront donc pas les mêmes si le jean est fabriqué en France ou en Chine.» Quel est l'intérêt d'une unité de mesure commune ? «Le changement climatique est un problème mondial. Que vous émettiez une tonne en Chine, aux Etats-Unis ou en France, la répercussion concerne tout le monde. Après de nombreuses recherches et publications sur le sujet, on estime que l'équivalent CO2 est une unité de mesure assez fiable. Avec le temps, elle est devenue assez compréhensible par le grand public», estime Poivet.

Comment le mesure-t-on ?

Les entreprises sont, de très loin, les plus grosses consommatrices de carbone. A l'échelle du consommateur, les déplacements et le chauffage sont les postes les plus gourmands en gaz carbonique. Mais chacun de nos achats vient alourdir la note. Comme le montre l'étude de l'Ademe, les produits de consommation et d'équipement représentent une part élevée des émissions de CO2 des Français. Pour savoir combien coûtent nos biens en carbone, les scientifiques modélisent des équipements dits «représentatifs». «On utilise un modèle, comme un jean moyen, qui n'existe pas vraiment. Il ne s'agit pas du jean que vous portez, de telle marque, de telle taille. L'équivalent carbone est un ordre de grandeur. En réalité, il y a une disparité entre deux articles d'une même catégorie de produits», résume Romain Poivet. Par principe, cet ordre de grandeur universellement reconnu n'est pas applicable à chaque cas particulier. D'autant que, selon les pays ou les entreprises qui réalisent les études, les périmètres de calcul sont variables. On peut par exemple compter l'équivalent carbone d'un produit depuis sa fabrication jusqu'à son recyclage ou bien arrêter le calcul au moment de l'achat.

L'étude que publie l'Ademe établit les émissions des équipements domestiques à partir de biens «moyens», des standards virtuels déterminés à partir d'études de marché, par exemple un lave-vaisselle de 12 couverts. Ces travaux permettent de mettre en perspective la consommation de carbone en amont de l'achat, pour la fabrication des produits, et la consommation nécessaire tout au long du cycle de vie des objets. Comme l'explique Pierre Galio, chef du service consommation et prévention de l'Ademe, «dans la plupart des cas, c'est la phase de fabrication qui est la plus importante : pour une armoire normande, il n'y a pas de consommation d'énergie une fois qu'elle est fabriquée, l'impact CO2 ne bouge pas après l'achat. Par contre, pour un réfrigérateur, qui fonctionne en continu après l'achat, la phase d'usage va être très importante».

Le CO2 dit-il tout ?

L'empreinte carbone n'est qu'un indicateur parmi d'autres. «L'équivalent CO2 est mono-critère : cela ne traduit que l'impact sur le changement climatique», souligne Poivet. Production de déchets, pollution des eaux et des sols, épuisement des ressources naturelles ne sont pas mesurés par cet indicateur qui reste celui que l'on connaît le mieux, et le plus fiable. Mais il existe d'autres unités de mesure d'impact environnemental. Elles permettent notamment d'estimer l'épuisement des ressources, l'écotoxicologie ou l'eutrophisation de l'eau (un déséquilibre lié à la concentration d'azote). Parmi elles, la Product Environmental Footprint, une mesure multicritères développée au niveau européen. A terme, le but est de mettre en place des certifications pour, là encore, mieux informer le consommateur.

(1) Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d'équipement.