Les très fameux prix IG Nobel (lire ignoble, jeu de mots, tout ça) sont décernés chaque année à dix recherches scientifiques qui paraissent insolites mais qui amènent secondairement à cogiter, nous explique pompeusement Wikipépé, qui a un article sur la question, c'est dire si c'est quand même sérieux. Ils sont organisés par un magazine scientifique humoristique, le Annal of improbable Research (AIR) et les recherches sont présentées par un groupe qui comprend des Prix Nobel, lors d'une cérémonie au Sanders Theater de l'université d'Harvard.
L'objectif déclaré de ces prix est de «récompenser les réalisations qui font d'abord rire les gens, puis les font réfléchir», dis donc, comme quoi l'humour mène à tout, mais ça n'est pas le propos. Cette année, ce sont trois chercheurs canadiens et américains qui ont remporté le loufoque titre en économie, en démontrant comment il est possible de se défouler sur un chef tyrannique. Sans lui cogner la gueule, ni lui hurler des insultes à la face, ni faire pipi sur sa chaise, ou cracher dans sa bouteille, comme tu rêves de le faire. Symboliquement.
«La vengeance peut reconstituer une forme de justice»
L'étude, à lire ici et citée sur blogemploi.com a porté sur la manière de se comporter en cas de «traitement abusif d'un superviseur» (autant dire tout le temps, c'est la fonction du chef), expliquent Lindie Liang de l'université de Wilfried-Laurier au Canada, Douglas J Brown de celle de Waterloo (au Canada aussi) et Huiwen Lian, de l'université du Kentucky. Et évidemment, analysent les chercheurs, la «réponse naturelle est d'exercer des représailles contre le superviseur». Mais comme chacun sait, la vengeance, c'est mal, c'est «dysfonctionnel et ça doit être découragé» : alors les trois scientifiques ont cherché des solutions pour soulager le salarié qui aurait grave envie de mettre un contrat sur la tête du chef. Et ont examiné, via des jeux de rôles, comment aider l'employé s'estimant victime de «surveillance abusive» et qui voudrait se venger, car «la vengeance après les mauvais traitements peut reconstituer une forme de justice pour les victimes», dixunt nos chercheurs.
«Le rendement et le bien-être»
Les trois compères ont donc trouvé un moyen symbolique et malin de se défouler : une poupée à l'effigie du chef, à piquer comme dans le rite vaudou. Et ça marche, s'étonnent-ils eux-mêmes. «Aussi étrange que cela puisse paraître, c'est bien le cas. Nous avons découvert qu'un geste symbolique simple et inoffensif de vengeance peut donner aux personnes l'impression de rétablir leur perception du sens de l'équité». Alors bon, la poupée, il faut quand même la fabriquer un peu ressemblante, sinon une photo du chef peut faire l'affaire, placardée au mur pour jouer aux fléchettes dessus.
Le symbolique, c'est toujours mieux que d'en venir aux mains avec son supérieur, avancent les auteurs de l'étude, décidément pince-sans-rire. Et après tests sur des gens qui avaient l'impression d'être mal traités, ceux qui ont planté des épingles dans la poupée de leur patron sont apparus moins amers. «Ces résultats suggèrent que les représailles ne profitent pas seulement aux victimes individuelles, mais peuvent également bénéficier à l'organisation dans son ensemble car les perceptions de la justice sont importantes pour le rendement et le bien-être des employés», concluent les auteurs. Voilà, c'est lundi, la semaine va être longue, on a de quoi s'occuper, maintenant.