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Alexandre Benalla et Alexandre Djouhri se sont rencontrés à Londres

Affaire Benalladossier
Selon nos informations, l'ancien chargé de mission d'Emmanuel Macron a fait l'aller-retour le 5 septembre pour rencontrer le sulfureux homme d'affaires dans la capitale britannique. L'un comme l'autre démentent.
Alexandre Djouhri et Alexandre Benalla. (Photos AFP)
publié le 2 octobre 2018 à 13h13
(mis à jour le 2 octobre 2018 à 17h03)

L'entrevue devait rester confidentielle. Selon nos informations, Alexandre Benalla a rencontré Alexandre Djouhri le 5 septembre dans un grand hôtel londonien. Ce rendez-vous entre l'ancien proche collaborateur d'Emmanuel Macron et l'homme d'affaires le plus sulfureux de la Sarkozie a été organisé par une connaissance commune, un certain Lucas P., 26 ans, dont la mère partage des bureaux en Suisse avec Alexandre Djouhri.

L'apparition de ce jeune homme au côté de Benalla en gare de Londres a fait l'objet d'un compte rendu de la police de l'air et des frontières. Comme l'a révélé le Canard enchaîné, les deux hommes ont été aperçus peu avant 19 heures en gare de Saint-Pancras, avant de prendre l'Eurostar ensemble. Selon la note citée par nos confrères, «leurs attitudes laissent entendre qu'ils se connaissent. Ils discutent ensemble». Le renseignement serait alors remonté immédiatement à Beauvau puis à l'Elysée en raison du profil de Lucas P., fiché «S» selon le Canard.

Selon nos informations, le signalement de Lucas P. serait lié à ses connexions avec un marchand d’armes nigérien, Aboubakar H., qui se trouve également être son voisin à Paris. Le jeune homme a été contrôlé il y a quelques mois au Niger avec 50 000 euros en espèces, somme qu’il devait rapatrier en France pour le compte de l’homme d’affaires. Entendu à son retour par la Direction nationale des enquêtes douanières, Lucas P. aurait été fiché à cette occasion. Mais le 5 septembre, lorsqu’il fait l’aller-retour à Londres avec Alexandre Benalla, sa fiche ne fait l’objet d’un signalement qu’au retour, et pas à l’aller.

Bombe à retardement

Quel était l'objectif de cette rencontre au sommet entre les deux Alexandre ? S'agissait-il d'un simple rendez-vous d'affaires, comme le laisse entendre un proche ? Les deux hommes ont une passion commune pour l'Afrique. Considéré comme un «frère» par de nombreux chefs d'Etat africains, Alexandre Djouhri, 59 ans, a tissé des réseaux politiques et industriels aux ramifications multiples, du Gabon au Congo-Brazzaville, de l'Algérie à la Guinée équatoriale. Alexandre Benalla, qui pointe officiellement à Pôle emploi, ne demanderait qu'à se reconvertir. Ou bien faut-il voir derrière ce rendez-vous secret une tentative de Djouhri visant à trouver des appuis dans la macronie à la veille d'une confrontation délicate avec la justice française  ?

Personnage clé de la droite depuis trois décennies, «Monsieur Alexandre» est devenu au fil des affaires une bombe à retardement. Depuis 2016, il est recherché par la justice dans le cadre de l'affaire du financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Après des mois de «cavale» dans les plus grands palaces, Djouhri a finalement été interpellé le 7 janvier à l'aéroport Heathrow de Londres, en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis pour «blanchiment d'argent», «détournement de fonds publics» et «corruption». La justice s'intéresse notamment aux conditions dans lesquelles il a vendu une villa à Mougins (Alpes-Maritimes) à un prix largement surestimé à une filiale du fonds souverain libyen dirigé alors par Béchir Saleh, considéré comme le banquier du régime de Kadhafi. En mai 2012, alors que ce même Béchir Saleh était recherché par la justice française, Alexandre Djouhri aurait participé à son exfiltration secrète de Paris vers le Niger, avec l'aide de l'ancien patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini.

Libéré après avoir versé une caution de 1 million de livres (1,13 million d'euros), Alexandre Djouhri doit être prochainement entendu par les juges français. «Le parquet national financier est incapable d'apporter la moindre preuve à la justice anglaise», s'est-il insurgé dans un communiqué transmis le 28 septembre à l'AFP. La bataille procédurale ne fait que commencer.

En attendant, contactés, Alexandre Benalla et Alexandre Djouhri démentent l'existence de la rencontre londonienne. L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron affirme s'être rendu dans la capitale britannique pour rencontrer le propriétaire du club de Chelsea, le milliardaire russe Roman Abramovitch. Selon l'hebdomadaire américain Bloomberg Businessweek, l'oligarque n'aurait pas été vu à Londres depuis plusieurs mois.