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Libération
Éditorial

Tournis

publié le 2 octobre 2018 à 21h16

Cette fois, on passe d'Aznavour à Brel. «Que c'est triste Beauvau, au temps des amours mortes», dit Collomb. «Ne me quitte pas, il faut oublier, tout peut s'oublier», répond Macron. Référence un peu frivole mais légitime : la valse-hésitation invraisemblable qui se déroule depuis quelques jours au sein de l'exécutif à propos du poste éminent de premier flic de France tient plus du music-hall que de la politique gouvernementale. Valse à mille temps ? Valse à trois temps, en tout cas. Premier mouvement : Collomb exprime ses états d'âme - attention à l'hubris présidentiel, dit-il - et annonce son intention de se représenter à la mairie de Lyon. Deuxième mouvement : il présente sa démission, aussitôt refusée par le Président. Troisième mouvement : il annonce au Figaro que sa démission est maintenue, et contraint le chef de l'Etat à entériner quelques heures plus tard une «situation» conduisant son ministre à quitter le gouvernement.

Ce pas de trois est inédit dans l'histoire de la Ve République. En passant par pertes et profits l'injonction présidentielle deux jours après qu'elle a été rendue publique, Collomb sait fort bien qu'il met à mal une autorité qui se voulait jupitérienne. Il sait tout autant qu'on ne peut être dedans et dehors, à l'Intérieur tout en affirmant hautement sa préférence pour l'extérieur. C'est la Place Beauvau tout entière qui a le tournis. Gérard Collomb fut le principal soutien du futur président. Deux ans plus tard, il est le savonneur de planche en chef. Quelle faille s'est creusée entre lui et son jeune pupille parvenu au sommet ? L'affaire Benalla, sans doute, où il fut le dindon de la farce. Mais il y a peut-être plus gênant : si ce fidèle des fidèles décide de prendre du champ, c'est aussi parce qu'il porte sur l'avenir de l'équipée Macron un diagnostic moins optimiste qu'à son entrée dans le gouvernement. Signe alarmant.