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Libération
fin du suspens

Européennes : Pierre Moscovici libère le PS

Le commissaire européen ne se présentera pas comme tête de liste du PS aux élections du mois de mai. Plutôt une bonne nouvelle pour la direction du parti, pas fan de son profil.
Pierre Moscovici lors du Congrès du PS à Aubervilliers, le 7 avril. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 4 octobre 2018 à 17h12

Jeudi 20 septembre : Olivier Faure reçoit dans son bureau. Le chef du PS fait le tour de l'actualité, notamment les élections européennes. Les socialistes cherchent une tête de liste, un porte-drapeau capable de se faire entendre dans le débat, de convaincre les électeurs. Pas une mission facile. Une question tombe : «Avec votre programme plus rouge que rose, Pierre Moscovici, qui incarne une forme de social-libéralisme, pourrait être votre tête de liste ?» La réponse du premier secrétaire : «Ni rose ni rouge : européen, social et écologique. Pierre Moscovici a-t-il la volonté de porter ce projet ? La réponse lui appartient.»

Jeudi 4 octobre : Pierre Moscovici s'exprime dans les colonnes du Monde. Le commissaire européen aux affaires économiques et financières dans la Commission Juncker met fin au suspens : «Après une réflexion sérieuse, j'en suis arrivé à la conclusion que les conditions d'une candidature ne sont pas réunies.» Le socialiste ne mâche pas ses mots. Il fait dans la provocation : «Pour moi, le PS n'a pas clarifié sa position : est-il réellement un parti ardemment pro-européen, qui pense que l'Europe est dans son ADN, ou un parti eurohésitant qui pense qu'elle est une contrainte, une punition ?» Un ami à lui nous dit : «Ce sont les mots d'un homme en colère.»

Rumeur

La décision de Pierre Moscovici ? Une très bonne nouvelle pour la direction du PS. Olivier Faure n'était pas très fan du profil de l'ancien ministre. Il n'a jamais osé lui dire ouvertement. La technique de l'esquive. Genre : le programme avant le casting, alors qu'il consulte tous les socialistes encore en vie. Pierre Moscovici était prêt à sauter dans l'eau. Il a mené campagne auprès de la presse. En avril, lors du congrès du PS à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), son arrivée sur scène a été accueillie par quelques sifflets. Le commissaire européen a dit tout haut ce que la foule voulait entendre. Le droitier socialiste a tenu un discours très à gauche. Des mots forts. «Je n'ai jamais cru à l'austérité», «Je n'ai jamais cru au et de droite et de gauche.» De quoi obtenir de petits applaudissements.

L'ancien chef des frondeurs, Christian Paul, présent à Aubervilliers, déclarait avec un petit sourire en coin : «Comme toujours, le discours de Moscovici est impeccable et audacieux. Le problème c'est qu'il n'a jamais été à la hauteur de ses paroles.» Peut-être pour cette raison que sa candidature n'a jamais enflammé les cœurs socialistes. Pierre Moscovici avait (seulement) les faveurs de quelques copains de François Hollande, et selon la rumeur d'un certain Jean-Christophe Cambadélis, ancien patron du PS et ex-strauss-kahnien lui aussi. On a contacté le sénateur Rachid Temal, proche de «Camba» et de l'ancien chef de l'Etat. Sa réponse : «La décision de Mosco ? C'est dommage qu'il ne soit pas dans le combat avec nous, c'est un énorme gâchis.»

Chaque jour un nouveau nom

La politique ne s'arrête jamais chez les éléphants. Pierre Moscovici renonce au PS pour les européennes, mais pas au reste. Il explique entre les lignes que lors du scrutin en mai, il ne votera pas pour le candidat socialiste. Et il émet un souhait. On a le sentiment que celui qui ne croyait plus au «et de droite et de gauche» y croit de nouveau. Ça donne : «J'ai déjà dit qu'après la phase "Macron 1", il devrait y avoir un "Macron 2", plus équilibré, entre verticalité et horizontalité. Plus à l'écoute des forces sociales et plus sensible au besoin de résorber les inégalités, si cher aux Français.» Une déclaration qui n'étonne pas grand monde au PS.

Un élu socialiste décrypte : «Les européennes, c'est la fin de la décomposition du PS. Moscovici fait un appel du pied logique à Macron et Maurel est à quelques mètres de Mélenchon.» Cette «décomposition» fait peur à certains. Un député souffle : «Notre parti a toujours été constitué de courants qui nous permettent de débattre, si ce n'est plus le cas et qu'au final on se retrouve seulement avec un pôle majoritaire parce que chacun ne pense qu'à sa propre carrière, on peut déjà éteindre la lumière.» Avant ça, Olivier Faure doit trouver une tête de liste. Chaque jour un nouveau nom. Hier, c'était la députée européenne, Christine Revault d'Allonnes. Le dernier en date : la taulière du PS des Pyrénées-Orientales, Ségolène Neuville.