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Libération
Éditorial

Surplomb

publié le 9 octobre 2018 à 21h16

Un remaniement ne fait pas le printemps. Surtout quand les sondages ont pris une telle couleur automnale. On n’a pas souvenir qu’un changement d’équipe gouvernementale ait provoqué un choc dans l’opinion, pas plus sous Chirac que sous Sarkozy ou Hollande. C’est un effet de la sagesse populaire, plutôt rassurante : on attend de juger sur pièces, c’est-à-dire sur les résultats. Ils n’arriveront pas dans six mois, aux dires mêmes des responsables macroniens. D’autant que la croissance mondiale marque encore le pas, ralentie par les menaces protectionnistes et les tensions internationales. Mais ce sont là tribulations habituelles. Le nouveau gouvernement se heurtera à deux obstacles supplémentaires. D’abord ce qui semble bien être la nature profonde du président de la République, qui persiste avec un acharnement étrange à donner des leçons à l’opinion, laquelle finit par le prendre fort mal. Atout du début de quinquennat, ce surplomb jupitérien est désormais un handicap de forme aux effets destructeurs. Le deuxième obstacle est politique. Tablant sur l’affaiblissement durable de la gauche, les stratèges gouvernementaux jugent manifestement que leurs réserves de voix et de soutiens se situent à droite. D’où une politique qui ressemble en plus raide à celle de Juppé, dont on espère qu’elle asséchera le vivier de voix de LR. Mais aller vers la droite en période de droitisation aiguë, c’est comme marcher vers l’horizon en espérant l’atteindre : le but se dérobe à mesure qu’on l’approche. A droite, l’opinion est travaillée en profondeur par les aspirations identitaires, les inquiétudes sur la sécurité, les sirènes du traditionalisme sociétal. Or Macron cherche, en même temps, à rallier à son panache défraîchi le camp progressiste européen. Alors que pour les électeurs conservateurs, le progressisme devient peu à peu un adversaire, comme on le voit un peu partout sur la planète. Pour se situer au centre, il faut que les deux plateaux de la balance s’équilibrent à peu près. Drame du macronisme : on marche vers un objectif qui recule comme on avance.