Menu
Libération
Analyse

Mélenchon élu de la République : touchez pas à son poste

Depuis son premier mandat politique, Jean-Luc Mélenchon sacralise l’onction du suffrage universel et se veut intouchable.
Devant le siège de La France insoumise lors de sa perquisition, mardi, à Paris (Stéphane Lagoutte. Myop)
publié le 16 octobre 2018 à 21h06

«La République, c'est moi !» Face aux deux policiers qui gardaient mardi matin la porte du siège de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon n'a pas accepté qu'on l'empêche de pénétrer dans les locaux de son mouvement. «Je suis un parlementaire ! Vous savez à qui vous parlez ? Vous savez qui je suis ? Ça ne représente rien pour vous ?» a-t-il lancé, la voix tremblante. Si le député des Bouches-du-Rhône a diffusé et commenté la perquisition de son domicile sur sa page Facebook pour «protester» contre ce qu'il qualifie d'«agression politique», son émotion devant les forces de l'ordre captée par Libération est aussi sincère.

Homme de gauche, d'abord trotskiste-lambertiste puis socialiste et enfin «insoumis», Mélenchon est avant tout un «républicain». Il s'est toujours vécu «dans le combat», comme l'héritier des révolutionnaires de 1789 dont il perpétuerait le «fil d'or». Né (français) au Maroc avant de débarquer à Marseille en 1962 au milieu des pieds-noirs d'Algérie et de grandir entre la Normandie et le Jura, il considère le suffrage universel comme une confirmation de sa nationalité : «Pour moi, être élu, ça veut dire : "Ça y est, t'es français"», confiait-il en 2011 à l'occasion d'un entretien pour une biographie. Cela explique, par exemple, son emportement cette même année sur Europe 1 : à l'antenne, Nicolas Demorand lui fait remarquer (à tort puisque Mélenchon a été conseiller général de l'Essonne pendant treize ans) que «le peuple [ne l'avait] jamais élu» au suffrage universel direct. Mélenchon explose et provoque un de ces coups d'éclats médiatique qui ont fait sa réputation : «Pour élire un homme comme moi, c'est l'équivalent de cinq députés nationaux, alors remballez vos grands airs de mépris à l'égard des élus du peuple ! […] Je suis un élu du peuple !» avait répondu, celui qui, à l'époque, était eurodéputé Front de gauche.

«La personne d'une parlementaire est intouchable»

Dans une des vidéos prises chez lui pendant la perquisition, il s'adresse directement sur ce sujet au chef de l'Etat : «Je ne suis pas seulement Jean-Luc Mélenchon. Il faut te coller ça dans le crâne, Emmanuel Macron. […] Je suis le président d'un groupe d'opposition […], un responsable politique qui a rassemblé sur son programme sept millions de personnes. […] Je suis tout ça et c'est à ça que vous vous attaquez.»Dans une autre vidéo, il lance à son smartphone : «Ma personne est sacrée, je suis parlementaire.» Puis : «C'est moi Mélenchon, avec mon écharpe tricolore. […] Dans une démocratie, la personne d'un parlementaire est intouchable.»

Depuis ses années de jeune sénateur PS de l'Essonne, il s'est toujours fait un devoir de vêtir son écharpe parlementaire pour «lutter» en dehors des hémicycles. Contre la loi Devaquet en 1986 comme, cette année, contre la réforme de la SNCF. Et même lorsqu'il s'agit, en 2006, de s'adresser aux étudiants de la Sorbonne, engagés contre le CPE. A l'époque, les leaders de l'AG lui refusent une prise de parole. Vexé, Mélenchon quitte les lieux : «Au revoir messieurs, la République n'est pas la bienvenue ici», lance-t-il aux policiers postés à l'entrée qui, cette fois-là, ne l'avaient pas empêché de rentrer.