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Libération

A Deliveroo, «c’est de l’esclavagisme»

publié le 19 octobre 2018 à 20h36

A 14 heures vendredi, une nuée d’hommes vêtus de bleu convergent vers le centre de la place de la République, à Paris. C’est là que les livreurs Deliveroo se sont donné rendez-vous à l’initiative du Collectif des livreurs autonomes parisiens (Clap). Certains terminent tout juste une commande, d’autres se sont déplacés pour l’occasion, mais tous partagent une revendication : que les tarifs appliqués par l’entreprise de livraison de repas soient augmentés.

Alexandre et Pierre (leurs prénoms ont été modifiés) sont parmi les premiers arrivés sur la place. Ils sont livreurs depuis plus d'un an et leur rémunération constitue un apport complémentaire. «C'est un travail que je fais en plus de donner des cours», explique le premier. Sur son portable il déroule le montant des transactions : 5,13 euros, 4,98 euros, 5,23 euros, 4,87 euros… «En août, Deliveroo a changé son système de tarification. Maintenant, pour une même course, l'algorithme peut nous payer 10 centimes de moins ou de plus», explique-t-il.

Surtout, selon lui, le tarif minimum a été abaissé à 4,80 euros. «Ça fait plusieurs fois qu'ils changent la tarification. Et à chaque fois, c'est nous qui sommes perdants», dit-il. A côté de lui, Adil clame que c'est «son dernier week-end». «Ça fait deux mois que j'ai commencé. On m'a dit que ça payait bien. Le mois dernier j'ai fait 2 400 euros net pour cinq heures par jour pendant sept jours. Mais maintenant on est payés au lance-pierres. La réalité, c'est qu'il y a trop de travail, c'est de l'esclavagisme moderne», regrette-t-il. Sans compter l'absence de congés payés, de congé maladie et de chômage qu'impose leur statut d'auto-entrepreneur.

«A Paris, il y a des accidents tous les jours», ajoute Adil. Avec le temps aussi, ils seraient de plus en plus livrés à eux-mêmes face à l'algorithme de l'application. «Avant, on avait des distances assez courtes et on travaillait dans des zones bien définies. Aujourd'hui, on te propose des distances beaucoup plus longues pour pas grand-chose», avance Pierre.

Leur mobilisation en est à ses débuts. «80 % des livreurs sont satisfaits de leur collaboration. Les revendications ne sont pas représentatives», argue de son côté la direction. Qui assure que l'évolution de la tarification a été faite à la demande des livreurs qui souhaitaient réaliser des courses plus longues. «En France, on travaille constamment avec des nouveaux livreurs, la semaine dernière, on a eu 4 000 demandes d'inscription.» En clair : ceux qui ne sont pas contents peuvent vite être remplacés.