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Les régions à Matignon pour «ouvrir une nouvelle page»

La quasi-totalité des présidents régionaux seront reçus à Matignon, ce vendredi, alors que le gouvernement veut se réconcilier avec les territoires après de longs mois de querelle.
Hervé Morin, le président de Régions de France, le 27 septembre à Marseille. (Photo Patrick Gherdoussi pour Libération)
publié le 19 octobre 2018 à 8h41

Un déjeuner pour tout se pardonner. Les présidents de régions sont vendredi à la table du Premier ministre. Tous présents ou presque, selon l’association Régions de France, les grands élus viendront juger du tournant promis par l’exécutif dans les relations entre Etat et territoires. Très dégradées durant «l’an I» du quinquennat, celles-ci font désormais l’objet d’une attention particulière de la part d’Emmanuel Macron, qui en a fait un paramètre important du dernier remaniement ministériel.

Après les difficultés des derniers mois, «on se retrouve», commente Matignon, qui veut mettre au menu des sujets «très concrets : mobilité, écologie, apprentissage...». Du côté des régions, «nous attendons la confirmation que le gouvernement veut ouvrir une nouvelle page, expose le président de Régions de France et de la région Normandie, Hervé Morin. Nous voulons être associés aux projets concernant les territoires, que de nouveaux champs de décentralisation soient ouverts, et que le gouvernement renonce à recentraliser les crédits agricoles européens, comme Emmanuel Macron s'y est engagé».

La refonte de la Conférence nationale des territoires (CNT) pourrait aussi être évoquée. Lancé en 2017 par Emmanuel Macron, ce forum réunissant Etat et collectivités est critiqué par les grandes associations de collectivités, qui en avaient d'ailleurs boycotté la dernière édition. «C'est très large, tout le monde prend la parole à la suite et à vrai dire, il n'en sort pas grand-chose», regrette une source locale, plaidant pour un format «resserré». Edouard Philippe pourrait aller en ce sens : le Premier ministre a récemment envisagé d'«améliorer le fonctionnement de la CNT», pour la rendre «plus fluide, moins formelle». La région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par le président du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, ne sera pas représentée, selon Matignon et Régions de France.

«Force du progrès»

Prévu depuis quelques semaines, le déjeuner intervient alors que l'exécutif multiplie les gestes d'ouverture vis-à-vis des territoires, après une première année orageuse. De la suppression de la taxe d'habitation aux 80 km/h sur le réseau secondaire, du coût des aides sociales pour les départements aux coupes dans les emplois aidés, les sujets de mécontentement s'étaient accumulés du côté des élus locaux. Avec, en toile de fond, l'idée d'un macronisme appuyé sur les élites urbaines, favorable aux métropoles et ignorant des difficultés de la «France périphérique». Un procès avec lequel veut en finir le gouvernement : dans une allocution télévisée diffusée mardi soir, Emmanuel Macron a déclaré vouloir s'appuyer sur «toutes les forces du progrès et de la réforme, les associations, les élus locaux, dans tous nos territoires. Et en particulier nos maires, qui sont les premiers porteurs de la République du quotidien».

Le chef de l’Etat a lui-même rencontré, mardi, le président de Régions de France, Hervé Morin, le président de l’Assemblée des départements de France Dominique Bussereau et le président du Sénat, Gérard Larcher. Il doit encore rencontrer, vendredi, le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand — un interlocuteur particulièrement difficile, procureur de la «pieuvre technocratique parisienne», qui a accusé jeudi l'État de «préparer l’assassinat» de l’aciérie de Saint-Saulve (Nord), en redressement judiciaire.

«Vigilants»

Cette ouverture macroniste s'est aussi traduite, dans le dernier remaniement, par la création d'un ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, confié à Jacqueline Gourault. Celle-ci sera en outre assistée de deux ministres, Julien Denormandie et Sébastien Lecornu, ex-président du conseil départemental de l'Eure. Une architecture vue d'un très bon œil par les associations de collectivités, qui réclamaient de longue date un interlocuteur dédié au sein de l'exécutif. «Les élus locaux ne savaient pas à quel ministère s'adresser», a elle-même reconnu Jacqueline Gourault, qui participera au déjeuner de Matignon ce vendredi. Autre motif de satisfaction : c'est au nouveau ministère des Collectivités qui reviendra la tutelle sur la Direction générale des collectivités locales, exercée jusqu'ici par le ministère de l'Intérieur.

Ces premiers gestes ont été accueillis, chez les grands élus, avec une satisfaction rarement observée depuis le début du quinquennat. Mais «nous resterons vigilants et unis avec les départements et les maires, prévient Hervé Morin. S'il ne s'agit que d'une opération de communication, les résultats seront désastreux».