La première fois qu'il a parlé à Libération, c'était en mai 2016, sous une fausse identité. Celle que lui avait fournie l'Etat pour des missions occultes en France et à l'étranger. En dévoilant certaines opérations clandestines auxquelles il a participé dans le cadre de la lutte antidrogue, Hubert Avoine a pris le risque de s'exposer pour mieux dénoncer le système.
Né à Cherbourg en 1962 d'un père syndicaliste et d'une mère douanière, il n'avait pourtant pas vocation à frayer dans les eaux les plus troubles de la République. Mais une succession d'événements l'a poussé à être recruté comme informateur en 2008. Inscrit au Bureau central des sources, il est d'abord «traité» par la PJ de Nice et l'Office des stups avant d'effectuer une longue mission pour le compte du département américain de la Justice, supervisée par la DEA, l'agence antidrogue américaine.
Combat
Infiltré dans les cartels mexicains, il flirte avec la banquière du Chapo Guzman et dîne à la table des plus gros narcotrafiquants. Mais ses missions les plus troubles sont effectuées pour le compte de l’Office français des stups et de son ancien patron, le commissaire François Thierry, qui l’envoie notamment en Espagne garder 20 tonnes de cannabis. Convaincu d’avoir été manipulé, Hubert Avoine finit par écrire à la justice pour dénoncer les faits dont il a été témoin, courrier qui servira de base à l’enquête dite «Avoine», ouverte par le parquet de Paris.
Hubert Avoine, en janvier 2017.Photo Laurent Troude.Divergence
Tout ça a été raconté dans un livre, l'Infiltré, que l'auteur de ces lignes a eu la chance d'écrire avec lui. Lors de la sortie, en mars 2017, certains ont accueilli ces révélations avec circonspection, par corporatisme ou manque d'imagination. Qui pourrait croire un instant que la police française importe elle-même des dizaines de tonnes de drogue sur le territoire ? Un an et demi plus tard, l'enquête «Avoine», désormais instruite à Lyon, apparaît aujourd'hui comme la plus menaçante pour le système que dénonce ce témoin clef. Ouverte notamment pour «association de malfaiteurs» et «faux en écriture publique», elle a déjà entraîné la garde à vue de l'ancien patron des stups et de deux hautes magistrates. Mais aussi l'audition comme témoin du procureur de la République de Paris, François Molins. A travers ce scandale, c'est un pan entier de la lutte antidrogue qui menace de s'effondrer. Entendu lui aussi comme témoin en septembre, Hubert Avoine avait fait de cette affaire un combat dont il ne connaîtra finalement pas le dénouement. Emporté par une maladie, il s'est éteint mercredi à 56 ans.