Tous les jours,
, le rendez-vous environnement de
Libération.
Le lundi : la recommandation.
Il faut reconnaître, l'écologie, c'est chiant. Du désastre partout, la mort des abeilles, les tsunamis géants, les ouragans qui s'abattent sur l'Amérique comme une punition divine, «léfédserre» que c'est de ta faute que tu as une voiture, le «réchofmanclimatik» que c'est de ta faute aussi. Bon. Et à part ça, quoi de neuf sous le rayon vert ? En fouinant au milieu de la forêt parfois un peu convenue des vidéastes amateurs d'écologie, on tomba sur Lætitia Nadji, très poubelles de tri et zéro déchet, dans le tutoiement et la bonne humeur, Alys Boucher et sa «laïfe» en cosmétiques bio, ou encore Did67 le jardinier et ses posts de potager du paresseux, «le chasse-taupe à ultrasons, efficace ou pas?». Le tout partant de bons sentiments, mais moyen biopoilant. Surgissent le professeur Feuillage et son assistante Sophie, en vrai Mathieu Duméry, 36 ans, ancien journaliste, également comédien et animateur, et Lénie Cherino, 35 ans, artiste et comédienne, avec leur farandole de vidéos anti-anxiogènes, cyniques, provocatrices, au ton pas du tout politiquement correct, dans l'idée des Nuls de la grande époque, à la mise en scène totale déjantée, mais très soignée : décors en fonction du sujet abordé, déguisements improbables, gros mots et expressions parfois vulgaires, mais oui, vulgaires, durée variable suivant le drama écologique évoqué. Et beaucoup, beaucoup d'infos.
On a pu ainsi se régaler avec le Déclin des abeilles (tourné un peu comme un film de boules, avec bruits suggestifs et léchage de miel assez cru), le Retour du loup (ambiance film d'horreur), les Gaz de schiste, la Déforestation (les deux étant tournés dans ce qui ressemble à un labo ou une salle de cours) le Pipi-caca (où il nous est assuré de n'entendre aucune blague scato et aucun bruit de prout), le Plastique dans les océans (en maillot de bain, donc) : les deux vidéastes ont pris le parti de «rendre les comportements écoresponsables accessibles au plus grand nombre grâce à l'humour, de quitter l'entre-soi des militants déjà sensibilisés, en espérant qu'un jour, on soit plus nombreux que ceux qui s'en foutent», nous explique Mathieu Duméry.
Via Youtube, il s'agit donc de toucher des cerveaux d'ados abîmés par la télé, les écrans, tout ça, parce que ce sont eux qui auront à vivre sur la banquise inexistante avec des ours polaires décédés ? Ne plus décréter bizarres les modes de vie marginaux, rendre le bio accessible, éduquer toute une génération ? «Selon moi, l'urgence, c'est d'intégrer les enfants et les ados à nos réflexions. Ce sont eux qui vont vraiment subir les modifications climatiques entre autres problèmes», poursuit l'énergique «vidéaste militant», comme il se définit et plutôt en les faisant marrer qu'à grands coups de baffes culpabilisantes dans la face : «Nous ne sommes pas youtubeurs dans la mesure où nous n'épousons pas les codes propres au podcast habituel, on est sur YouTube parce que c'est là qu'il y a des gens à convaincre.» Chasser les amateurs de vidéos pour les amener à l'écologie, c'est l'idée.
«Donc on s'est retrouvé à faire des vidéos écolos parce qu'au bout d'un moment, dans nos milieux de comédiens/animateurs/journalistes, on finit toujours par bosser pour des sociétés peu fréquentables du point de vue de l'éthique… On y va quand même parce qu'elles ont du pognon et qu'on a besoin de sous pour vivre, explique Professeur Feuillage, mais on s'est dit que nos savoir-faire pourraient être mis à profit pour des causes plus justes que Goodyear ou Coca-Cola.» Alors, en 2014, les deux comparses ont réuni une petite équipe et ont mis toute leur énergie et leurs économies dans la première saison de Professeur Feuillage. «On a tourné dans des squats tout pourris en conservant une exigence audiovisuelle quasi inédite à l'époque sur YouTube. C'était passionnant et fatigant, raconte le trentenaire. Puis France TV nous a rejoints dans l'aventure et on a eu un peu plus de facilité à joindre les deux bouts.»
Aujourd'hui, on trouve une quarantaine d'épisodes du Professeur Feuillage dont on ne cachera pas que notre préféré est bien entendu celui sur ces enfoirés de chats, les pires «dégueulasseurs de la biodiversité», «un Tchernobyl qui fait miaoumonsanto en se léchant les couilles», pontifie le Professeur Feuillage, en nœud pap impeccable, accompagné de sa un peu sotte assistante (on n'est pas dans le politiquement correct, on a dit, on n'évite pas le macho et la secrétaire nunuche, mais parfois ça change et Sophie mute en 3615 Domina). Et le Prof de cogner sur «l'impact carbone de leur bouffe à base de croquette de bœuf qui pue la mooooooort ou de leurs déjections qui puent la mooooooort», de rappeler que les chats sont responsables du décès, voire de l'extinction de tas de bêtes plus utiles qu'eux, «oiseaux, mammifères, serpents, grenouilles… Un prédateur invasif juste derrière le rat qui fait des ravages sur la biodiversité».