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Libération
Récit

La France insoumise : une confusion des rôles sondée par les enquêteurs

Structures importantes de la campagne de LFI et fidèles de Mélenchon sont dans le viseur de la justice, qui souhaite déterminer la nature des liens qui les unissent.
Au soir du premier tour de la présidentielle 2017. (Photo Olivier Coret. Divergence)
publié le 21 octobre 2018 à 21h26

Trois structures gravitant autour de La France insoumise font aujourd’hui l’objet d’investigations judiciaires pour des soupçons de surfacturations lors de la dernière campagne présidentielle. A travers l’Ere du peuple, Mediascop et les Œillets rouges, plusieurs fidèles de Jean-Luc Mélenchon sont directement visés. Les enquêteurs cherchent notamment à comprendre les liens financiers qui unissent ces différentes entités.

Fidèle

Comme l'a révélé Mediapart, les policiers ont déjà découvert plus de 12 000 euros en liquide lors d'une perquisition au domicile d'un fidèle historique de Jean-Luc Mélenchon, Pierre Moro, qui aurait indiqué s'être vu confier cette somme «discrètement» par Marie-Pierre Oprandi. Mandataire financière, cette dernière est également gérante des Œillets rouges, une société civile immobilière (SCI) soupçonnée d'avoir loué un peu trop chers des locaux immobiliers à l'association de financement de la campagne. Fidèle parmi les fidèles, ancienne suppléante de Mélenchon au conseil général de l'Essonne, Marie-Pierre Oprandi a suivi son champion en 2008, lorsqu'il a quitté le PS pour fonder le Parti de gauche. Trésorière de cette formation puis mandataire financière de Jean-Luc Mélenchon en 2012, elle avait annoncé à ses camarades que 2017 serait sa dernière campagne.

Poisson-pilot

Autre figure visée par les magistrats : Bernard Pignerol, président de l'Ere du peuple, association sans activité commerciale déclarée qui a facturé à la campagne plus de 440 000 euros de «prestations matérielles et intellectuelles». Cofondateur de SOS Racisme, Pignerol a rencontré Jean-Luc Mélenchon au milieu des années 80 avant de devenir un de ses conseillers politiques. Quand le premier quitte le Parti socialiste avec fracas en 2008, le second reste à la mairie de Paris, chez Bertrand Delanoë. Président de la commission des conflits au PS, le conseiller d'Etat claque finalement la porte en 2013, avant de rejoindre Mélenchon lancé dans La France insoumise. Avant la présidentielle, il coordonne dans l'ombre des groupes d'experts pour abonder le programme du candidat insoumis et organise des réunions secrètes avec des hauts-fonctionnaires pour les rassurer sur leur sort en cas de victoire. Pignerol est aussi un de ceux qui pousse Mélenchon à se présenter aux législatives en 2017 et lui sert de poisson-pilote dans le marigot marseillais pour notamment rassurer les notables.

C'est désormais sur sa petite association que se concentre une partie des soupçons. Créée en décembre 2015 avec pour but, selon ses statuts, de «servir de support technique et logistique à toutes les initiatives prises au service des idées développées par Jean-Luc Mélenchon pour réaliser la "révolution citoyenne"», les enquêteurs se demandent notamment pourquoi les salaires de deux de ses trois dirigeants - Mathilde Panot, la secrétaire, et Bastien Lachaud, le trésorier, devenus depuis députés de LFI - sont refacturés à l'association de financement jusqu'à sept fois plus cher. Une raison possible de cette surfacturation pourrait être de faire gonfler artificiellement les dépenses de campagne du candidat pour espérer ensuite un remboursement à la même hauteur de la part de l'Etat. Et de garder la différence pour faire vivre ensuite le mouvement.

Casquette

Enfin, les juges s’intéressent aux marges suspectes réalisées par Mediascop, la société de communication de Sophia Chikirou qui a facturé près de 1,2 million d’euros de prestations à la campagne, soit plus de 10 % du budget total. La double casquette de Chikirou, sans être illégale, est pour le moins inédite dans un organigramme de campagne : en cumulant les fonctions de direction de la communication avec celle de patronne de Mediascop, elle devient à la fois donneuse d’ordre et prestataire de services. Une position potentiellement génératrice de conflits d’intérêts.