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Libération
Maltraitance animale

Abattoir du Boischaut : la chaîne de l’effroi

La vidéo très violente publiée par L214 a provoqué des réactions indignées parmi les politiques. L’exécutif a demandé la suspension de l’établissement, qui travaille avec la filière bio.
publié le 4 novembre 2018 à 20h26

Les images tournées clandestinement dans l’abattoir du Boischaut, dans l’Indre, et diffusées comme les précédentes par l’association L214, témoignent une fois encore de la violence qui s’exerce derrière les murs de certains de ces établissements. Dans cet abattoir habilité à abattre des animaux issus de la filière bio, la vidéo révélée samedi montre des animaux suspendus par une patte, saignés alors qu’ils sont encore pleinement conscients. Des bovins sont découpés vivants. Un salarié entaille la patte d’un petit chevreau au couteau afin de le suspendre sur la chaîne d’abattage, avant même que l’animal ne soit tué…

Alors que L214 a porté plainte auprès du procureur de la République de Châteauroux pour maltraitances et sévices graves, Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a condamné des «pratiques inacceptables» et demandé au préfet de l'Indre de suspendre immédiatement l'activité de cet abattoir. Une enquête administrative a été diligentée. François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, a qualifié sur Twitter ces pratiques de «cruelles, inadmissibles en France en 2018», reconnaissant que dans nos abattoirs, «les inspections et audits ne suffisent plus»…

Grands singes

Ces scandales à répétition ébranlent le monde politique, car la cause animale a envahi l'espace public. Pour preuve, cette nouvelle vidéo a fait réagir de nombreux députés. Parmi eux, Bastien Lachaud (LFI) dénonce «l'horreur quotidienne des abattoirs», et Pascal Durand (député européen EE-LV) demande la protection des lanceurs d'alerte. Olivier Falorni (Parti radical) en appelle, toujours sur Twitter, à Emmanuel Macron : «Vous devez maintenant tenir votre engagement de campagne sur la vidéosurveillance obligatoire dans tous les abattoirs !»

Mais au-delà des réactions indignées suscitées par de tels scandales, la cause animale s’invite désormais dans les espaces feutrés du pouvoir. Au Sénat, en octobre, on s’est ainsi penché sur le sort des grands singes lors d’un colloque consacré à leur statut juridique. Le 7 novembre, un séminaire sur «l’homme et l’animal», organisé par le député LREM Loïc Dombreval, réunira le scientifique Boris Cyrulnik, le philosophe Frédéric Lenoir et le moine bouddhiste Matthieu Ricard. Il se tiendra à deux pas de l’Assemblée nationale, là où, le 12 novembre, un colloque consacré cette fois aux animaux détenus par des cirques est organisé par la députée LREM Claire O’Petit… Autre signe des temps, l’Assemblée nationale abrite un groupe d’études «condition animale» réunissant plus de quarante députés.

Elevage, chasse, corrida

Mais les déclarations d’intention ne suffisent plus si l’on en croit un sondage Ifop réalisé en février 2018 pour la Fondation 30 Millions d’amis, qui révélait que 67 % des sondés estiment que les animaux sont mal défendus par les politiques. Et, désormais, les Français ont les moyens de savoir quelle est la réalité de l’engagement des hommes et des femmes qui les gouvernent : le site internet Politique & Animaux note avec une impressionnante précision chaque engagement, prise de position ou déclaration des responsables politiques, sur tous les dossiers liés à la cause animale (élevage, chasse, corrida…). Ce site, développé par l’association L214, offre même la possibilité de savoir qui a voté pour ou contre les textes favorables aux animaux. La liste des parlementaires qui se sont prononcés contre l’installation obligatoire de caméras dans les abattoirs (laquelle, si elle avait été validée, aurait peut-être évité les dérives filmées dans l’Indre) est ainsi accessible en quelques clics… Difficile de savoir quelles répercussions ces évolutions sociétales peuvent avoir sur le vote des Français. On devrait s’en faire une idée plus précise en mai prochain, lors des élections européennes, en scrutant les résultats du Parti animaliste, une formation indépendante qui fête tout juste ses 2 ans.