Menu
Libération
Finances

Exit-tax : la majorité corrige (un peu) le gouvernement

En commission des finances, les députés ont adopté un amendement du rapporteur général pour imposer cinq ans d'attente (au lieu de deux) aux contribuables partis à l'étranger et qui veulent être exonérés d'impôts sur les plus-values réalisées en France.
Le Premier ministre Edouard Philippe à l'Assemblée nationale, le 7 novembre. (Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 7 novembre 2018 à 18h11

L'exit tax renaît petit à petit… Alors qu'Emmanuel Macron avait annoncé en mai, dans le magazine américain Forbes, la suppression de ce dispositif destiné à freiner l'exil des plus fortunés, le gouvernement avait finalement fait le choix de maintenir une (petite) taxe dans le projet de loi de finances pour 2019. Alors qu'un contribuable parti à l'étranger devait jusqu'ici patienter quinze ans avant d'être exonéré d'impôt sur les plus-values réalisées en France (portefeuille d'actions et obligations supérieur ou égal à 800 000 euros ou au moins la moitié des parts d'une entreprise), l'exécutif proposait de réduire ce temps d'attente à deux ans.

Un «seuil» jugé «raisonnable» par le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Il faut croire que les députés LREM ont une autre conception du «raisonnable» sur ce sujet symbolique qui réactive l'idée de «cadeaux faits aux riches»… Sur proposition du rapporteur général, Joël Giraud, les députés de la commission des finances ont adopté ce mercredi un amendement (re)portant ce délai à cinq ans «pour les participations les plus importantes», soit celles d'une valeur supérieure ou égale à 2,57 millions d'euros.

«Un tigre sans griffes n'est pas très efficace»

Selon lui, ces deux seuils permettront de cibler 35% des personnes concernées par l'exit tax et qui représentent 90% du volume potentiellement imposable. Cela «me semble être de nature à avoir une facilitation pour l'administration fiscale pour un recouvrement efficace», a souligné Giraud mercredi. «Une très bonne idée», s'est félicité l'ancien président de la commission des finances, le LR Gilles Carrez, qui tenait particulièrement au maintien de ce dispositif. «C'est un dispositif qu'il faut absolument con-ser-ver !» a-t-il insisté, pointant la «divergence fiscale majeure, au sein de l'UE, sur l'imposition des plus-values mobilières». «En Belgique, c'est zéro… Et c'est ça le problème !» a-t-il rappelé.

Chez les Républicains, on semble donc très attaché à cette mesure recréée sous Sarkozy en 2011. «Vous ne la supprimez pas mais vous y mettez beaucoup d'assouplissant, a lancé Julien Aubert. Un tigre sans griffes n'est pas très efficace.» Le député LR du Vaucluse a sorti quelques formules qui ont sûrement plu à ses homologues de gauche – «on a beaucoup de mal à taxer le capital de manière général» ou encore «cette taxe est nécessaire pour montrer que la France à un message à envoyer à ceux qui pratiquent le nomadisme fiscal» et a rappelé, après une bataille de chiffres entre commissaires, que «l'intérêt» de cette mesure n'est pas tant le rendement que «l'effet de dissuasion».

Position partagée notamment par Eric Coquerel de La France insoumise : «On nous dit toujours "ça ne rapporte pas beaucoup". Mais cette mesure est intéressante parce que justement elle est dissuasive ! a fait remarquer l'élu de Seine-Saint-Denis. Ce n'est pas tant ce qu'elle rapporte que ce qu'elle empêche qui soit aujourd'hui capté, subtilisé au fisc. D'ici deux ans, ça peut aller jusqu'à 5,3 milliards d'euros, ce n'est pas rien !» «Il faut maintenir l'exit tax dans sa forme actuelle, sinon c'est un véritable permis de s'exiler fiscalement», a abondé son voisin communiste, Fabien Roussel. Même le Modem Jean-Paul Mattéi a fait part de son «incompréhension» sur la volonté du gouvernement de revoir un «système [qui] fonctionne aujourd'hui très bien».

«L’exit tax ne permet pas de retenir les Français»

Pour justifier de quand même toucher à l'exit tax dans sa forme actuelle, Joël Giraud a rappelé que «depuis 2011» – date de renaissance de la mesure – les départs à l'étranger de contribuables les plus fortunés n'ont pas été freinés : «L'exit tax ne permet pas de retenir les Français qui veulent partir.» «C'est un impôt qui est inefficace parce que personne ne le paie vraiment, a-t-il ajouté. Sur 5,4 milliards de plus-values potentielles, la quasi-totalité est en sursis d'imposition et le rendement réel est de plus ou moins 10 millions par an […] Dans cette usine à gaz, on n'a pas de grande efficacité.»

Raison donc, selon lui, pour «rend[re] le mécanisme beaucoup plus simple et donc finalement beaucoup plus efficace», a soutenu sa collègue LREM Amélie de Montchalin. Le gouvernement n'avait finalement qu'un soutien ce mercredi matin en commission des finances, en la personne du centriste Charles de Courson : «Je soutiens la position du gouvernement. Mais il devrait aller au bout pour dire "on supprime"» a-t-il déclaré. A voir si, en fin de semaine prochaine dans l'hémicycle, Bruno Le Maire finira lui aussi par trouver «raisonnable» l'amendement adopté par la majorité.