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Libération
Récit

La mairie de Lyon ferme un local d'extrême droite

Certains parlementaires réclamaient la dissolution pure et simple du Bastion social. En attendant, la ville de Lyon a finalement décidé d'interdire au groupuscule d’accueillir du public, mettant en avant des questions de sécurité.
Des manifestants qui défilent contre le Pavillon noir, bar du groupuscule d'extrême droite Bastion social, le 26 mai à Lyon. (Photo Konrad K. Sipa)
publié le 7 novembre 2018 à 15h21

Le Pavillon noir est en sursis. Pour diverses raisons de sécurité (risques incendie, évacuation, etc.), la ville de Lyon a signé mardi un arrêté de fermeture administrative du local du Bastion social, un groupuscule d'extrême droite radicale implanté dans le cinquième arrondissement de la ville. La décision a été annoncée après plusieurs mises en demeure restées sans réponse. «L'état des locaux compromet gravement la sécurité du public et fait obstacle au maintien de l'exploitation de cet établissement», fait savoir Jean-Yves Sécheresse, adjoint au maire de Lyon délégué à la sécurité. C'est la troisième fermeture administrative pour ces extrémistes lyonnais, après celles de 2011 et 2017. Mais la guerre d'usure se poursuit. Au 73, quai Pierre Scize, leur bail court toujours. A une différence près : le bar associatif des anciens du GUD (Groupe union défense) ne peut plus accueillir de personnes extérieures ni avoir plus de 19 adhérents entre ses murs, selon les services municipaux. De quoi mettre un coup de frein voire d'arrêt à leur nouveau programme culturel Atepomaros, créé «pour la transmission de l'identité lyonnaise».

«Ces groupuscules font de la politique par des activités de sociabilité. C'est une manière de mener ce qu'ils appellent le combat culturel», rappelle Caterina Froio, enseignante-chercheuse à Sciences-Po Paris spécialiste des extrémismes. Sans local, finies les conférences entre «nationalistes révolutionnaires», les actions sociales pour «Français de souche» ou les apéros saucissons. Bloqué dans son rayonnement, le groupuscule d'ultradroite pourrait mettre la clé sous la porte. Sur les quais de Saône, les habitants trépignent. «J'attends leur départ le plus rapidement possible, confie un résident qui tient à rester anonyme par peur de représailles. Notre vie a été chamboulée.» A la présence de ces néofascistes, s'ajoute le risque des affrontements. «Il y a eu dix attaques des antifascistes contre le local, dont une avec un usage d'hydrocarbures», se remémore ce voisin.

Lettre au gouvernement

«Le quartier avait besoin de retrouver sa dignité», souffle de son côté Philippe Carry. Figure incontournable du Vieux-Lyon, l'horloger de Saint-Paul est devenu le fer de lance de la lutte contre les mouvements radicaux implantés dans le quartier ces dernières années. «On espère maintenant que des mesures seront prises aussi pour les locaux de Génération identitaire à côté», insiste-t-il. Ces dernières semaines, Steven Bissuel, l'ancien leader national du mouvement qui s'est développé à Strasbourg, Chambéry ou Aix-en-Provence, est aux abonnés absents. Condamné pour incitation à la haine raciale en août, il a démissionné de la présidence et fermé Made in England, sa boutique de vêtements à quelques pas du Pavillon noir. Sentant le vent tourner, le Bastion social a organisé une ultime démonstration de force, en défilant dans le quartier pour dénoncer les provocations des antifas, le 12 octobre. Le même jour, 74 députés de la majorité avaient envoyé une lettre au gouvernement pour réclamer la dissolution du Bastion social. Selon un député signataire, les services du Premier ministre se réuniront dans les prochains jours pour y répondre.