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Le sentiment d'être surqualifié pour son emploi reste fort chez les immigrés

L'Insee et la Dares publient une nouvelle étude sur l'insertion des immigrés en France. Parmi les constats : 36% d'entre eux se sentent trop qualifiés par rapport au premier travail qu'ils occupent et les femmes sont de plus en plus nombreuses à s'installer dans l'Hexagone.
Les immigrés se sentent deux fois plus souvent surqualifiés pour l'emploi qu'ils occupent que le reste de la population. (Photo Emmanuel Dunand. AFP)
publié le 7 novembre 2018 à 18h01

Motifs d’immigration, accès à l’emploi, acquisition de la nationalité française… Dans une nouvelle publication, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) font le point sur l’insertion des immigrés en France. Elle confirme notamment que le sentiment d’être trop qualifié pour son emploi est fort chez les immigrés de 15 à 64 ans, en particulier lorsqu’il s’agit de leur premier emploi en France et qu’ils maîtrisent mal la langue.

Qui émigre et pourquoi ?

La France serait-elle un eldorado économique, où l'on immigrerait pour tenter sa bonne fortune ? Pas vraiment. Le principal motif de l'immigration en France reste familial : il concerne presque la moitié des personnes âgées de 15 à 64 ans arrivées sur le territoire (45%). «Si l'on considère que les personnes immigrées arrivées avant l'âge de 15 ans le sont aussi pour des raisons familiales, ce sont au total 61% de l'ensemble des immigrés de 15 à 64 ans vivant en France métropolitaine qui invoquent des raisons familiales comme motif principal de migration : 29% sont arrivés enfants avant l'âge de 15 ans et 32% après cet âge», relèvent en outre les auteurs de l'étude, Jérôme Lê et Mahrez Okba.

C’est seulement ensuite que vient l’immigration pour motif économique (pour trouver un emploi), qui concerne un quart des immigrés de 15 ans et plus, suivie de l’immigration pour faire des études (16%) et enfin des personnes qui sont venues en France chercher une protection, c’est-à-dire les demandeuses d’asile ou apatrides (8%).

Par ailleurs, les auteurs observent que les femmes immigrent en France de manière croissante : elles comptaient pour 51% des personnes de 15 ans au moins arrivées avant 1981, alors qu’elles sont 58% de celles arrivées depuis 2007. Elles migrent plus souvent que les hommes pour des raisons familiales (62% contre 28%), même si ceux-ci migrent de plus en plus pour ce motif. Elles viennent en France relativement peu pour trouver un travail (12% des femmes contre 39% des hommes déclarent ce motif) mais leur part parmi ceux qui se rendent en France pour les études augmente pour atteindre le même niveau que les hommes (autour de 15%).

Sentiment d’être surqualifié

Plusieurs constats intéressants sont dressés dans cette étude. D’abord, les immigrés sont de plus en plus diplômés : 33% de ceux qui sont arrivés après 1998 ont un diplôme d’études supérieures contre 22% de ceux arrivés avant. Un tiers possède aussi le bac, un CAP ou un BEP et 27% ont au moins un bac+2. Pour moitié, le diplôme a été obtenu en France. Les parents ont également des niveaux d’éducation plus élevés que par le passé.

Autre constat : le sentiment d’être surqualifié pour l’emploi qu’on occupe, surtout lorsqu’il s’agit du premier emploi et quand la personne maîtrise peu le français, est largement supérieur au reste de la population. Ainsi 36% des immigrés se jugeaient surqualifiés pour leur premier emploi et 33% le pensent encore des années plus tard, alors que ce sentiment n’est que de 17% pour le reste de la population. Les personnes venant d’Afrique ont plus de risques que les autres de se sentir surqualifiées, notent aussi les auteurs. Seulement 7% des immigrés exerçaient pour leur premier emploi après l’arrivée en France un poste de cadre, 5% une profession intermédiaire, 58% un poste d’employé et 27% d’ouvrier.

«La facilité pour obtenir un premier emploi est globalement peu liée à la maîtrise de la langue», pointent néanmoins les auteurs, qui relèvent que si 56% des immigrés ne parlaient pas français à leur arrivée, ils n'étaient plus que 43% à ne pas connaître la langue au moment d'entrer dans l'emploi. Si chez les hommes, ceux qui parlaient mal le français ont eu un peu plus de difficultés à trouver un premier emploi que ceux le parlant un peu, cet effet s'est estompé dans le temps. Alors que chez les femmes, la différence entre celles qui parlent bien et celles qui parlent peu se poursuit au fil des années, notent-ils encore.

La moitié garde son passeport d’origine

Plus d'un tiers des immigrés, quel que soit l'âge où ils sont arrivés en France, obtiennent à un moment ou à un autre la nationalité française. Ceux qui sont arrivés avant l'âge de 15 ans mettent plus de temps à l'acquérir (dix ans contre sept ans pour ceux arrivés après l'âge de 15 ans) puisqu'ils doivent attendre leur majorité pour la demander. Constat intéressant : la moitié garde son passeport d'origine en plus d'obtenir le passeport français, mais cela varie beaucoup selon le pays de naissance. Ainsi 4 immigrés natifs d'Europe du Sud ou d'Asie sur 10 possèdent la double nationalité, et ce chiffre monte à plus de 5 sur 10 (54%) pour les personnes originaires d'Afrique subsaharienne, et jusqu'à 8 sur 10 (82%) pour les personnes qui viennent d'Afrique du Nord. «Ces différences s'expliquent en partie par l'âge, l'ancienneté d'arrivée en France, le motif d'arrivée (en particulier dans le cas des réfugiés) mais également pas les législations propres à chaque pays, qui n'autorisent pas toujours la double nationalité (République Démocratique du Congo, Vietnam jusqu'en 2009)…» expliquent Jérôme Lê et Mahrez Okba.

Quant à savoir pourquoi les immigrés demandent la nationalité française, la raison est surtout d’ordre professionnel, puisque 45% ont déclaré l’avoir fait pour trouver plus facilement un emploi, tout en estimant que cela n’avait finalement pas eu tant d’impact que cela.