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Libération
Récit

Macron convie le monde à Paris pour «tirer les leçons du passé»

Devant une soixantaine de chefs d’Etat réunis pour une cérémonie puis un Forum de la paix boudé par Trump, le Président appellera ce dimanche au multilatéralisme.
Emmanuel Macron et le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, mardi à Reims. (Photo PASCAL BASTIEN )
publié le 9 novembre 2018 à 20h56

Point d'orgue d'un périple mémoriel rudement secoué par les colères contemporaines, Emmanuel Macron donne rendez-vous ce dimanche aux dirigeants de la planète. Un siècle après la fin de la Première Guerre mondiale, il s'agit, explique l'Elysée, de «préparer l'avenir en tirant les leçons du passé». Une soixantaine de chefs d'Etat et de gouvernement sont attendus sur la place Charles-de-Gaulle, à Paris. Il y aura Vladimir Poutine et Donald Trump, ainsi que la plupart des dirigeants européens. Le continent africain sera largement représenté, avec notamment le chef d'Etat rwandais, Paul Kagame, et le roi du Maroc, Mohammed VI. Au pied de l'Arc de triomphe, ils entendront dimanche matin le discours de Macron commémorant le 11 novembre 1918, jour d'une victoire qui ne sut pas garantir la paix.

Réconciliation. Après le président Steinmeier le 4 novembre dans la cathédrale de Strasbourg, c'est la chancelière Angela Merkel qui représentera l'Allemagne. On jouera Bach et Ravel à Paris, comme on avait joué Beethoven et Debussy dans la capitale alsacienne pour goûter en musique la réconciliation franco-allemande. Celle-ci aura été symboliquement célébrée la veille, près de Compiègne, dans la clairière de Rethondes, quand Merkel et Macron déposeront une gerbe sur «la dalle sacrée» qui commémore la signature de l'armistice de 1918. Un événement conclu dans le fameux wagon où, vingt-deux ans plus tard, Hitler convoquera les chefs militaires français pour leur faire signer la capitulation, cinq jours après que Pétain eut ordonné de poser les armes. Jamais, depuis ce jour funeste, des dirigeants français et allemands ne s'étaient retrouvés en ce lieu.

De ce centenaire, Macron veut faire un manifeste contre le nationalisme et pour la promotion d'un «multilatéralisme refondé» porté par les organisations internationales. Tout le contraire, en somme, de ce qu'il advint après l'armistice de 1918, quand le traité de Versailles imposa aux Allemands des conditions si humiliantes que la réconciliation était impossible. Tout le contraire, aussi, de «l'Amérique d'abord» que s'efforce d'imposer le président américain. Assez logiquement, ce dernier n'a pas jugé utile de répondre positivement à l'invitation qui lui était faite de participer à un «Forum sur la paix» qui sera inauguré ce dimanche après-midi dans la Grande Halle de La Villette. Officiellement, c'est pour aller se recueillir au cimetière américain de Suresnes à l'occasion du «Veterans Day» que Trump sèche cette réunion. En réalité, on voit mal comment il aurait pu assister à cette manifestation qui ressemble fort à un appel à la mobilisation mondiale contre sa politique.

«Descente». Initié par Macron mais financé par des «partenaires» privés (dont Google, Microsoft ou Axa), le Forum sera animé par des think tanks. Il s'agit, explique l'Elysée, de réaffirmer «l'importance du système multilatéral, fondé par les Etats et organisations internationales, mais aussi par les sociétés civiles et par le secteur privé». Selon ses promoteurs, cette manifestation a vocation à se réunir chaque année. Le Forum annuel de Paris serait ainsi à la paix ce que celui de Davos est à l'économie.

A la demande de Macron, la première édition s'ouvrira avec deux discours : le premier prononcé par Angela Merkel et le second par António Guterres, le secrétaire général des Nations unies. Le premier temps fort de ces trois jours de Forum sera un appel du Nobel de la paix, Nadia Murad, jeune Yézidie ayant survécu aux persécutions jihadistes en Irak, pour la reconstruction de sa terre natale, la province du Sinjar. L'ONG Reporters sans frontières devrait, elle, plaider pour une information libre, protégée des «manipulations» rendues possibles par le numérique.

Autre temps fort souligné par l'Elysée, le secrétaire général des Nations unies et les responsables des grandes organisations internationales (FMI, OMC, Unesco, etc.) devraient défendre ensemble la gouvernance mondiale. Le monde contemporain «ressemble de plus en plus à celui de 1913 et à celui des années 30. Il ne faut pas se résigner à une descente vers toujours plus de concurrence, de tensions et de massacres. Nous voulons travailler sur cette gouvernance mondiale qui a été déficiente dans les années 30», expliquait vendredi sur France Inter le président du Forum, Justin Vaïsse. «Je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l'entre-deux-guerres», déclarait aussi Macron, début novembre, évoquant les poussées populistes sur fond de guerres commerciales et de frontières qui se ferment.