Un Boeing 737 saisi et ses passagers forcés de débarquer ce vendredi: les autorités françaises ont employé, avec succès, la manière forte à Bordeaux pour obtenir de la compagnie irlandaise à bas coût Ryanair qu’elle consente à rembourser 525 000 euros de subventions jugées illégales.
La Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a annoncé vendredi avoir obtenu la saisie conservatoire d’un avion de Ryanair jeudi à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, pour contraindre la compagnie au remboursement d’aides du syndicat mixte des aéroports de Charente.
En milieu de journée cette saisie a pu être levée, la compagnie ayant versé la somme due.
«Ils ont payé, on est contents. Ils ont tenté de négocier. Ils nous devaient 525 585,05 euros, ils ont payé 524 907,80, somme arrêtée le 15 septembre 2018» (qui ne prennent donc pas en compte les intérêts courants depuis), a réagi le président du syndicat mixte, Didier Villat.
«Quelle mesquinerie, mais on ne fera pas appel», a-t-il dit en souriant. «Je suis content», a-t-il ajouté, «content d'être dans la peau du petit qui fait valoir le droit» au terme de longues années de contentieux et de diverses péripéties juridiques entre le département et la compagnie.
La dernière lettre de mise en demeure avait été envoyée à la compagnie le 28 mai, a précisé la DGAC. Étant restée sans réponse, une requête d’ordonnance de saisie a été déposée auprès du juge de l’exécution des peines du tribunal de Bordeaux.
Au prix catalogue, ce Boeing vaut 98 millions de dollars.
Les aides, versées dans le cadre de l’activité de la compagnie sur l’aéroport d’Angoulême de 2008 à 2009, avaient été jugées illégales par la Commission européenne en juillet 2014.
Ryanair avait remboursé la moitié des subventions (plus de 900 000 euros en tout), mais avait refusé de payer les 525 000 euros restants en invoquant une «rupture de contrat» en 2010, un deuxième contentieux qui fait l'objet d'une action parallèle en justice entre les deux parties, selon Villat.
A cette époque, Ryanair avait également demandé des aides supplémentaires, refusées par le département. La compagnie avait alors annoncé immédiatement «quitter la Charente», a-t-il raconté.
«Une question de principe»
Ryanair est une «société très riche (...) Donc, 500 000 euros pour eux, c'est rien du tout. Mais ils ont voulu en faire une question de principe. Nous aussi», a-t-il poursuivi.
Le Boeing 737 avait atterri jeudi à 17H30 à Bordeaux. L’ordonnance a été notifiée au commandant de bord par un représentant de la préfecture accompagné d’un huissier. Ils étaient escortés par des membres de la gendarmerie des transports aériens.
L’immobilisation de l'avion a entraîné le réacheminement des 149 passagers à bord sur un autre vol avec cinq heures de retard, selon la DGAC. Le vol était à destination de l’aéroport londonien de Stansted.
«L'État réaffirme par cet acte sa volonté de garantir les conditions d'une concurrence loyale entre les compagnies aériennes et entre les aéroports», a ajouté la DGAC.
«A ma connaissance, ce type de saisie ne s'est jamais fait», a indiqué Villat, «il y aura peut-être une jurisprudence Angoulême».
En 2016, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa) avait toutefois fait procéder, pour le non-paiement d’amendes pour des infractions aux restrictions sonores, à l’immobilisation d’avions à Paris-Charles de Gaulle, en décembre un appareil de la compagnie Turkmenistan Airlines et en août un avion de la compagnie polonaise Enter Air.