«D'où je viens et où je vais… J'étais à l'Elysée et suis un chemin que je me suis fixé : être libre tout en étant responsable.» C'est par ces mots que François Hollande a conclu la conférence qu'il a donnée à l'Institut français d'Athènes. Il effectue en effet une visite de deux jours dans la capitale grecque où il entend «donner ses réflexions». «L'ancien président n'a pas de statut – pour la statue, ça viendra peut-être», a-t-il plaisanté devant un public de 400 francophones, essentiellement lycéens et étudiants. Et comme il répondait à une question d'une lycéenne sur son retour en politique, il a ajouté : «En quittant l'Elysée, je ne suis pas sorti de la vie politique, c'est mon engagement, je le ferai jusqu'à mon dernier souffle.»
Pour l'heure, il cherche visiblement un nouveau souffle, européen. Il veut «regarder vers l'avenir». Après Barack Obama venu à Athènes «délivrer son testament politique en 2016», puis Emmanuel Macron dévoilant ses projets européens face à l'Acropole, en septembre 2017, François Hollande vient à son tour dans le berceau de la démocratie délivrer ses projets pour l'Europe. Sont-ils issus de ses réflexions dix-huit mois après avoir quitté l'Elysée ? Le programme de sa visite a, en tout cas, un arrière-goût de mise en valeur de son implication dans deux des crises auxquelles il a été confronté lors de son quinquennat : le psychodrame du premier semestre 2015 au cours duquel la Grèce a failli ne plus faire partie de la zone euro, et la question migratoire qui a divisé pendant plusieurs mois les dirigeants européens et exacerbé les réactions nationalistes.
«Aucune règle»
A peine débarqué en terres hellènes, François Hollande, accompagné de Michel Sapin, son ancien ministre des Finances, s'est ainsi rendu dans le camp de réfugiés situé à Elaionas, en banlieue de la capitale du pays. En 2015 et 2016, plus d'un million de migrants sont en effet passés par la Grèce, venus principalement de Syrie, d'Irak ou encore d'Afghanistan. Plus de 50 000 sont encore en Grèce continentale ou dans les îles, espérant obtenir des papiers pour rejoindre l'Europe du Nord. François Hollande a voulu, lui, «montrer ce que l'Europe est capable de réaliser avec des valeurs, comme celles de solidarité mises en œuvre ici». Aux côtés des ministres grecs de l'Immigration et de la Santé, il a ainsi inauguré l'Ideas box de Bibliothèque sans frontières (BSF), une médiathèque en kit dessinée par le créateur Philippe Starck, lauréat de la fondation La France s'engage, dont il est président. Pour François Hollande, «l'Europe a mis beaucoup de temps pour régler cette question qui n'est d'ailleurs pas encore réglée comme nous le voudrions. Elle a financé des équipements, du personnel. Il faut défendre l'Europe quand elle agit», a-t-il souligné devant des journalistes et des réfugiés…
Ce thème, il l'a ensuite repris à l'Institut français. «Quand nous nous sommes retrouvés entre chefs d'Etat et de gouvernement face au problème des réfugiés, chaque pays déterminait sa position. Il n'y avait aucune règle. Certains pays ont dit : "pas un réfugié chez nous !"» a-t-il rappelé. Et de prévenir : «Le retour vers un nationalisme peut entraîner le repli. Le risque pour l'Europe est le statu quo», tout en pointant que «si l'Europe était menacée, ce serait l'idée même de la démocratie qui serait menacée».
Celui qui se voit aujourd'hui comme une «vigie» dans l'Union européenne a ainsi demandé «d'éviter un grand débat institutionnel et de refaire un grand traité européen pour clarifier les compétences européennes». Ce serait faire une Europe a minima et entrer dans un processus très incertain… Vise-t-il Emmanuel Macron, qui invitait à ce grand débat à Athènes ? Deuxième piège, aux yeux de l'ancien occupant de l'Elysée : «ne faire des réformes que dans la zone européenne». De nouveau, Emmanuel Macron, qui appelait à la création d'une gouvernance de la zone euro semble dans le viseur.
«Populismes»
Bref, François Hollande veut «garder l'Europe à 27, mais nous devrons de toute manière constituer une Europe de l'avant, qui voudra dans cette Europe à 27 aller beaucoup plus loin». Ce qui passe, à ses yeux, par un accord entre la France et l'Allemagne. Quel rôle entend jouer cet «Européen» qui a «aidé la Grèce à rester dans la zone euro» en 2015 face à ceux qui, comme le ministre des Finances allemand de l'époque Wolfgang Schäuble, militaient pour le «Grexit» ? Il ne s'en donne pas, précise-t-il. Mais détaille : «A l'échelle européenne, les gauches sont en difficulté à cause des populismes et d'une gauche plus extrême qui a empiété sur la social-démocratie. Les gauches ont besoin de se reconstituer.»
A quelques mois des élections européennes, François Hollande rencontrera aussi Alexis Tsípras, le Premier ministre issu de Syriza, la coalition de la gauche radicale. «Syriza est pleinement dans la gauche européenne telle que je la conçois», souligne François Hollande. S'il ne se donne pas de rôle dans cette campagne, il semble vouloir contribuer à redessiner le paysage politique dans cette «Europe de l'avant».