Pagnol, c'est fini. L'écrivain ? Non : le folklore. Jean-Claude Gaudin, homme politique à l'ancienne, chaleureux et madré, s'est fait une spécialité d'incarner (avec un talent redoutable) un personnage de l'auteur de Marius et Fanny. Truculent, exubérant, il a gouverné sa mairie avec les instruments les plus traditionnels de la vie politique marseillaise. L'accent a fait passer le cynisme. Clientélisme débridé - ce n'est pas le monopole de Marseille - dans une ville où les services municipaux figurent parmi les premiers employeurs, arrangement petits et grands entre amis, services prêtés et rendus, combines discrètes et subventions distribuées selon l'alchimie perverse des allégeances locales. Vieux système, vieux pouvoir, vieux caciques. Elu d'une minorité à la faveur d'une abstention record, Jean-Claude Gaudin a choyé ceux qui pouvaient lui être utiles pour un règne increvable qui arrive en bout de course. L'effondrement meurtrier du quartier de Noailles sonne le glas d'une construction politique aussi vétuste que les immeubles négligés par la mairie. L'absence terrible du maire, l'insensibilité apparente de ses réactions - même s'il est sans doute secoué, comme tout le monde - ont fait le reste. Gaudin devient le symbole d'un système archaïque qui vient de loin et n'a que trop duré, dans une ville pourtant fascinante par sa bigarrure assumée, son «récit méditerranéen», sa créativité incessante, loin des manœuvres subreptices qui émaillent sa vie électorale.
Encore faut-il s’emparer des moyens du changement. Le drame des habitants ensevelis a provoqué un réveil. Une manifestation inédite, des réseaux nouveaux et spontanés, une entraide et une solidarité nouvelles : ce peut être le début d’une résurrection, dans Marseille la bouillonnante. Mais cette énergie naissante, née de la tragédie, doit s’emparer de l’instrument décisif : le bulletin de vote. L’assise politique de la mairie repose sur une minorité d’électeurs, dans un corps électoral où le taux d’inscription sur les listes est très bas et l’abstention parmi les inscrits, énorme. Une démocratie locale qui repose sur un socle exigu : il ne tient qu’aux citoyens, jusque-là indifférents aux jeux politiques surannés, de s’engouffrer dans la brèche démocratique. Redevenir citoyen en s’inscrivant, puis voter : c’est l’issue de secours qui s’offre aux exclus et aux déshérités d’une ville à la créativité étouffée mais bien réelle. Alors la colère légitime née du drame des immeubles vétustes, symboles d’une vie politique décatie, pourra déboucher sur l’espoir.