Menu
Libération
Gilets jaunes

Face à la contestation, l’exécutif en pleine hésitation

Si Macron assure «entendre la colère», Philippe estime que les blocages ne sont pas «acceptables».
Emmanuel Macron et Edouard Philippe, le 23 mars. (Photo Philippe Wojazer. AFP)
publié le 16 novembre 2018 à 20h46

Incapable d'anticiper la force de la tempête qui menace, l'exécutif oscille entre marques de «respect» pour une colère jugée «compréhensible» et dénonciation des «incohérences» d'un mouvement qui menace d'être «récupéré par les extrêmes». De déclarations indulgentes en sévères avertissements, le gouvernement s'est montré circonspect vis-à-vis d'un mouvement né hors des cadres traditionnels.

«J'entends la colère et je pense que c'est un droit de pouvoir l'exprimer. Ceux qui pensent ne pas êtres entendus ont le droit de le dire, et ils le feront samedi», a dit Emmanuel Macron, interrogé mercredi soir sur TF1. Une apparente bienveillance fortement nuancée, vendredi, par le Premier ministre, Edouard Philippe : «Bloquer un pays, alors que des services d'urgence peuvent avoir besoin de circuler, alors que tout un chacun peut avoir besoin de circuler demain, n'est évidemment pas acceptable.» Dans la majorité, certains redoutent un samedi noir. «J'ai longtemps été maire, je vois assez bien comment se déroule un samedi à Chambéry : le blocage, ça va amuser tout le monde quinze minutes, puis, quand il faudra amener maman à l'hôpital ou le petit au football, il y a des claques qui vont partir», s'inquiète le président du groupe Modem à l'Assemblée nationale, Patrick Mignola. De son côté, le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, propose une lecture originale - et surtout rassurante - de cette fronde incontrôlée : «Pourquoi porte-t-on un gilet jaune ? Pour se signaler, […] parce que la France est accidentée», expliquait-il vendredi au micro de RMC. Façon de suggérer que les manifestants de ce samedi ne feraient que souligner, à leur manière, le besoin de réforme qui serait justement la grande affaire de ce quinquennat. A croire que les «gilets jaunes» seraient des macronistes qui s'ignorent…

«Poujadisme»

A l'Elysée, on fait constater que du droit du travail hier jusqu'aux retraites aujourd'hui, «les réformes structurantes ne sont pas entravées». Avec un optimisme surjoué, ce conseiller du chef de l'Etat croit pouvoir conclure que la colère qui s'exprime ne viserait donc pas la grande entreprise de transformation engagée par Macron. Au diapason du chef de l'Etat, l'exécutif a aussi déploré le «poujadisme» et les «incohérences» d'un mouvement où ceux qui veulent «augmenter le smic et les emplois publics» en côtoient d'autres «qui parlent de baisser la dépense publique». «On est en train de vous mentir et de vous manipuler», disait mercredi le chef de l'Etat, opposant «l'addition des optimismes» à «l'addition des colères».

Quelle que soit l'ampleur de la mobilisation, hors de question de lui sacrifier la hausse des taxes sur l'essence prévue pour 2019. «Non, on ne va pas annuler la taxe carbone, nous n'allons pas changer de pied, nous n'allons pas renoncer à être à la hauteur de cet enjeu qui est considérable», assurait Edouard Philippe mercredi matin sur RTL. Tout en annonçant plusieurs mesures nouvelles au bénéfice des automobilistes et des possesseurs de cuve à fioul. Parmi ces annonces, le doublement de la prime à la conversion automobile, portée à un maximum de 4 000 euros pour les ménages pauvres et une aide financière censée permettre le remplacement de toutes les chaudières à pétrole d'ici à la fin du prochain quinquennat.

Annonces

L’effet de ces concessions s’annonce pourtant incertain : les principales d’entre elles sont en effet réservées aux plus modestes, et plusieurs porte-parole des gilets jaunes présentent désormais le mouvement comme une contestation du niveau global des prélèvements, au-delà de la seule question des carburants. Surtout, en faisant ces annonces avant la mobilisation, le gouvernement a limité ses marges de manœuvre pour l’après-17 novembre - si le mouvement appelait, par son ampleur, un nouveau geste de l’Etat.