Emmanuel Macron a été lucide. «Je n'ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants», a-t-il déclaré mercredi, après ses rendez-vous souvent tendus avec les Français lors de son itinérance dans l'Est et le Nord. Ce constat d'échec renvoie à une promesse de la campagne du candidat Macron et de son face-à-face avec Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Lassés d'avoir tout essayé, à droite et à gauche, séduits par le discours populiste anti-élite de la candidate d'extrême droite, les Français avaient finalement préféré confier leur sort à ce «jeune candidat qui, vous allez voir, va enfin faire de la politique autrement». Candidat des élites, Macron avait suffisamment séduit les classes moyennes et populaires pour faire barrage au populisme. Dix-huit mois après, c'est un remake de ce rendez-vous électoral qui va se jouer sur les ronds-points et autres périphériques que les «gilets jaunes» entendent bloquer ce week-end. Non pas que le mouvement ait été organisé par le Rassemblement national, encore moins que chaque automobiliste irrité par la hausse du prix des carburants soit un extrémiste de droite en puissance. Mais l'ampleur et surtout la tonalité de la contestation diront si le Président, depuis son élection, a non seulement échoué à réconcilier le peuple avec ses dirigeants mais, pire, creusé le fossé qui les sépare, accentué le sentiment de déclassement, renforcé l'opposition entre ces campagnes délaissées et les centres-villes privilégiés, entre ces bobos soucieux de l'environnement et ces classes populaires angoissées à l'idée de ne pas remplir leur cuve à fioul. Les mesures annoncées pour amortir la hausse du prix des carburants ne suffiront pas à atténuer ces fractures. Le ressentiment face à l'injustice sociale de la politique menée depuis dix-huit mois est trop profond. C'est à ce mal-là que le chef de l'Etat doit désormais s'attaquer.
Dans la même rubrique