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Aux rond-points

A Nice, avec les «gilets jaunes» sans voiture

Retraites, CSG, défense du service public... A Nice, certains manifestants ne sont pas concernés par la hausse du prix des carburants, mais viennent défendre d'autres revendications.
Marche des «gilets jaunes» avenue Jean Medecin à Nice le 17 novembre. (Photo Laurent Carré pour Libération)
par Mathilde Frénois, Correspondante à Nice
publié le 17 novembre 2018 à 15h09

Annie trottine. Elle remonte la file de manifestants qui s'étire sur l'avenue Gambetta de Nice. Sa doudoune imitation jean délavé détonne dans la marée fluo. «Ça fait une semaine que je cherche un gilet jaune, mais je n'ai pas trouvé», regrette cette secrétaire à la retraite. Parce qu'Annie n'a pas de voiture. Voilà un an qu'elle a délaissé son auto. Le prix de l'essence, l'assurance, les réparations, le parking l'ont poussée à la revendre. «Je suis une mamie plumée, dit-elle derrière son foulard à fleurs. Macron nous déteste. Il baisse nos retraites. Je ne touche que 950€ par mois et je paye 500€ de loyer. Je ne peux pas me permettre de passer 100€ dans une voiture.»

Marche des «gilets jaunes» avenue Jean Médecin à Nice le 17 novembre. Photo Laurent Carré pour Libération

«Par solidarité» avec les automobilistes et définitivement «contre Macron», Annie participe au seul rassemblement «piéton» de la Côte d'Azur. Elle marche dans le centre-ville de Nice, de la promenade des Anglais à la place de la Libération ce samedi matin, contre la hausse du prix des carburants. Pourtant, elle n'est pas concernée par cette taxe. Annie est dans la rue «pour défendre le service public», pour «la hausse des retraites», «contre la CSG». Un rassemblement qui dépasse donc la simple contestation sur fond de crise énergétique.

«Que Macron arrête de toucher à ma retraite !»

Ce sont toutes toutes ces «autres raisons» qui ont poussé Danielle à descendre dans la rue. «Je ne suis pas d'accord avec le motif initial du carburant», explique cette professeure de français. Vivant six mois à Paris et six mois au centre-ville de Nice, elle a fait le choix de se passer de voiture. «Le gouvernement abuse en taxant les petits et la classe moyenne, soutient-elle. C'est ce mécontentement-là auquel je m'associe.» Son mari Régis a trouvé son gilet jaune par terre, la veille en sortant de la salle de gym. Enseignant à l'université, il pointe «un ras-le-bol général», citant «l'augmentation du carburant qui va se répercuter sur le prix de la distribution», les «retraites rognées» et la «suppression de la taxe d'habitation» dont il ne bénéficie pas. Danielle et Régis ne crieront pas «Macron démission», ils sont beaucoup moins catégoriques. Ils n'iront pas bloquer l'autoroute A8, ils ne se déplacent qu'à pied et en transports en commun.

Manifestation des «gilets jaunes» à Nice le 17 novembre. Photo Laurent CARRE pour Liberation

Beaucoup plus loin, en tête de cortège, Antoine a enfilé «le K-Way du club bouliste Gardenia». Jaune moutarde, la veste fait parfaitement illusion parmi les gilets jaunes. «J'avais trois voitures mais je les ai toutes vendues quand je suis devenu retraité», explique cet ancien ouvrier en bâtiment aux faux airs de Renaud. Il replace son mince foulard rouge et ses cheveux blancs qui lui tombent dans le cou : «J'aurais adoré en garder une, mais c'était trop cher.» Antoine vit seul. Après le virement du loyer, il lui reste 300€ pour finir le mois. «Je suis là pour défendre mes droits et pour que Macron arrête de toucher à ma retraite, dit-il. Il faut qu'on arrête de me ponctionner.» Voilà trois ans que le K-Way jaune était resté dans la penderie. Antoine a dû réduire ses loisirs : il n'a pas repris sa licence au club de pétanque «pour faire des économies».