Ambiance plutôt décontractée sur le parking de Lidl de Noyal-Chatillon, près de Rennes, samedi matin où les gilets jaunes s'étaient donné rendez-vous. Un motard de la gendarmerie chargé d'encadrer le mouvement exprime sa solidarité, la main à hauteur du cou : «Nous aussi on en a jusque-là». Deux retraités brandissent une banderole : «Macron, tu nous enfumes, stop au mépris». Le président de la république, cible privilégiée des manifestants a droit aussi à un «Macron, démission» ou encore à «Macron, ça suffit les taxes».
«Depuis qu'il est là et qu'il a le pouvoir à 100%, tout augmente, accuse Olga, 58 ans, employée dans une entreprise d'agroalimentaire. On nous promettait la suppression de la taxe d'habitation, dans notre commune elle a augmenté de 12%. Nous étions de la classe moyenne et nous devenons de plus en plus précaires».
À ses côtés, son mari, Frédéric, opine de la tête. «On voit le nombre de millionnaires augmenter tous les ans et c'est nous qui fournissons les millions, avec des situations de pire en pire. On n'a plus rien à la fin du mois et les vacances, n'en parlons pas !», dit-il. Pour aller sur son lieu de travail, à 15 kilomètres, ce fonctionnaire n'a guère d'autre solution que la voiture. «Si je voulais y aller en bus, il faudrait que je me lève à 5 heures du matin», précise-t-il.
Dans l'assemblée, où se mélangent les générations et les sensibilités politiques, Bertrand, ingénieur en informatique de 38 ans, gilet jaune sur les épaules, déclare d'emblée, autant par provocation que par conviction, être là «pour l'écologie».

«Seulement 20% de la taxe carbone va à la transition écologique alors qu'il faudrait un effort collectif et la mise en place d'une véritable planification de la transition, estime-t-il, dénonçant au passage la suppression de l'ISF et la baisse des impôts sur les sociétés. Si on taxe le carburant, il faut aussi taxer le kérosène pour les avions et les transports maritimes. Au lieu de cela on supprime le fret ferroviaire. On veut tous un air pur et manger bien et ce n'est pas normal que les produits sains soient plus chers».
En fin de matinée, l’ensemble des manifestants, qui s’étaient donné rendez-vous en cinq endroits différents, ont convergé en convoi sur la rocade de Rennes où se sont bientôt alignés plusieurs centaines de véhicules, klaxonnant à tout va et arborant gilets jaunes et drapeaux bretons aux vitres. En quelques minutes les principaux accès à la capitale étaient quasiment bloqués. Barrages filtrants ou bloquants et opérations escargots se sont multipliés de la même façon sur plusieurs villes bretonnes et sur certains axes comme la voie rapide Rennes-Brest, à hauteur de Morlaix, provoquant d’importants bouchons. À Brest, une manifestante qui avait pris position sur un rond-point avec d’autres gilets jaunes, a été légèrement blessée après avoir été percutée par un véhicule dont la conductrice avait été prise à partie.
Après la réception d'une délégation à la préfecture de Rennes, les gilets jaunes s'acheminaient vers un déblocage de la rocade de la ville, occupée depuis la mi-journée. «Nos revendications ont été écoutées et il n'y a pas de raison qu'on bloque davantage» a déclaré Benoit Rotrou, chauffeur routier de 29 ans et un des porte-paroles du mouvement. Parmi ces exigences, qui auraient été transmises au gouvernement, figuraient «un allègement de la pression fiscale», la revalorisation du travail par rapport au régime du chômage et la création d'une «assemblée citoyenne» afin que de simples citoyens puissent s'exprimer sur les lois discutées à l'Assemblée nationale.
Au total environ 5000 gilets jaunes auraient participé à la journée d’action à Rennes où aucun incident n’a été signalé. De nombreux barrages et opérations escargots se sont déroulés dans les villes bretonnes. Deux policiers ont été blessés à Quimper après avoir été «volontairement» percutés par un véhicule des manifestants, selon la préfecture. Benoît Rotrou a indiqué que les gilets jaunes étaient prêts à d’autres manifestations s’ils n’obtenaient pas de réponses à leurs revendications.