Elle est ressortie, la semaine dernière, contente de son rendez-vous avec la conseillère santé de Macron. «Elle était très attentive», raconte Raphaëlle Jean-Louis, qui vient de publier Diplôme délivré(e) : parole affranchie d'une étudiante infirmière (Michalon), un livre-témoignage sur son parcours. Ce mardi, Raphaëlle Jean-Louis quitte l'Orne, où elle travaille dans un Ehpad, pour manifester à Paris à l'appel de toutes les organisations soignantes qui s'alarment de l'absence de mesures à leur égard dans le dernier plan santé du gouvernement.
Elle a 30 ans, est diplômée depuis trois ans. Son livre est le journal qu'elle avait tenu pendant ses études d'infirmière, qui pointe la maltraitance de jeunes étudiantes par leurs formateurs. C'est un thème tabou. Durant ces études, la troisième et dernière année est essentiellement constituée d'un stage où l'élève infirmière travaille sous le contrôle d'une diplômée. Bizarrement, ces relations dérapent fréquemment. Sadisme, petite vengeance, grande frustration ? Ou une sorte de maltraitance institutionnelle ? Parmi les exemples que rapporte Raphaëlle Jean-Louis : «Nous sommes dans la salle de soins, et nous préparons ensemble des poches qui sont à poser dans quelques minutes. L'infirmière observe ce que je fais. […] Soudain, elle se place au-dessus de mon épaule et me hurle : "Plus vite, lis l'ordonnance ! Fais-moi le calcul… Allez, de tête, tu ne sers à rien, vite ! Dépêche-toi !"»
Ce n'est pas un moment isolé. Raphaëlle Jean-Louis revient sur d'autres scènes, tout aussi effarantes. «Un jour, Laurie se moque de moi ouvertement et devant les autres soignants, elle me dit de me rapprocher pour me montrer quelque chose dans le dossier de soins. Je m'exécute, mais elle ouvre les pages du dossier sur mon visage. Je ne peux rien lire. Qu'est-ce que je dois faire ? Me rebeller ? Elles n'attendent que cela, elles ont un pouvoir sur moi, celui de me noter à la fin du stage, elles ont mon avenir entre leurs mains.»
«Cette maltraitance, très souvent, est le reflet de l'abandon de l'Etat face aux conditions actuelles des soignants. L'épuisement professionnel conduit à la maltraitance, voire au suicide…» écrit Raphaëlle Jean-Louis. Dans son Ehpad, elles sont, le jour, deux infirmières pour plus de 105 résidents. «Comment voulez-vous que l'on travaille au mieux ?»