Ils seraient 3,5 millions dans l’Hexagone, d’après les récentes estimations de l’agence nationale Santé publique France, 4 millions selon les projections qu’il est possible d’établir à partir des dernières données de l’Institut national de données démographiques (Ined) datées de 2017. Pour la seule année 2016, environ 21 000 seulement ont osé franchir la porte d’un commissariat pour porter plainte, nous indique l’enquête «Violences et rapports de genre». Les victimes de pédophilie en France sont nombreuses, très nombreuses. Mais la plupart du temps invisibles aux yeux de tous : de la famille d’abord, des adultes en général, des politiques publiques aussi.
A l'occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, une soixantaine de signataires, associations, intellectuels, médecins, professionnels du cinéma, lancent ce mardi un «appel citoyen» à l'attention du gouvernement pour le «lancement d'une campagne nationale de prévention contre la pédophilie». Orchestré par le réalisateur Eric Guéret, auteur du documentaire l'Enfance abusée diffusé ce mardi soir dans Infrarouge sur France 2, ce texte déplore l'absence de moyens (affichage, spots télévisés, sensibilisation dans les établissements scolaires, etc.) pour protéger «rapidement un nombre incalculable d'enfants». Et conclut ainsi : «Au nom de ces enfants qui ont déjà été ou seront victimes d'agression sexuelle si nous continuons à ne rien faire, nous vous implorons d'agir.»
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Dans les années 90, il y a bien eu la détermination de Ségolène Royal, ministre de l'Enseignement, pour partir en guerre contre les violences sexuelles à l'école. «Une ambition louable qui n'a pas permis de baisser le nombre de victimes», regrette Corinne Bouchoux, sénatrice EE-LV de 2011 à 2017, elle-même victime d'un prêtre durant son enfance. Depuis Royal, «la pédocriminalité n'a jamais été un sujet prioritaire de l'agenda politique» selon cette ancienne élue. Pas faux. Même s'il faut souligner les petites avancées en cours. La loi Schiappa adoptée cet été a le mérite de renforcer les peines contre les auteurs de violences sexistes et sexuelles sur les mineurs. En octobre, le Sénat a procédé à la désignation des membres de la «mission commune d'information sur les infractions sexuelles sur mineurs» qui a pour objectif de «dresser un état des lieux des dispositifs en vigueur dans les diverses structures qui accueillent des mineurs, afin d'évaluer leur efficacité et de proposer des mesures nouvelles pour mieux les protéger contre les infractions sexuelles». De plus, le gouvernement envisagerait de nommer très prochainement un haut-commissaire ou un délégué interministériel spécifiquement chargé de la protection générale des mineurs. Bref, ça bouge un peu. Mais toujours pas assez.