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Libération
Chronique «classe rétro»

En 1993, à quoi rêvait un élève de seconde ?

Libé dans le rétrodossier
Plongée dans les archives de «Libé». Voici un témoignage, publié il y a vingt-cinq ans, où un jeune garçon racontait son rapport à l'école, ses rêves et désillusions (déjà).
(Illustration Christelle Causse)
publié le 20 novembre 2018 à 19h23
(mis à jour le 21 novembre 2018 à 14h17)

«Ah, l'école… c'était tellement mieux avant.» Faites le test : lancez une discussion sur l'éducation dans ce pays, il arrive toujours un moment où la nostalgie pointe. Les politiques le savent, et en abusent. L'école d'antan – la dictée, l'uniforme, la chorale… – est une ficelle de communication politique très efficace. Libé a donc décidé de plonger la tête dans ses archives, pour retrouver ce que le journal racontait de l'école il y a cinq, dix, trente ans… Cette nouvelle chronique «Classe rétro», concoctée avec le service documentation de Libé, met en scène un article du temps d'avant.

En farfouillant dans les rayonnages des vieux Libé, on est tombé par hasard sur ce témoignage d'un élève, fraîchement arrivé au lycée. Ça date un peu, c'était en septembre 1993. Mais les propos d'Olivier, 16 ans, invitent à la réflexion et donnent à sourire.

D'abord, le jeune homme parle longuement de son rapport à l'école. «Pour un enfant, le fait d'aller à l'école, c'est aussi habituel qu'une inspiration, ou un clignement d'œil. […] Je ne me posais pas la question. Je vais à l'école parce que tout le monde va à l'école parce que… bref, le problème ne me troublait pas l'esprit.» L'équation a failli changer l'année de ses 16 ans, quand il a été viré de son collège. A 16 ans, «l'école n'est plus obligatoire. Les difficultés que j'ai connues pour être réintégré dans un autre collège me le firent comprendre.» Aujourd'hui encore, l'âge de la fin de la scolarité obligatoire est toujours fixé à 16 ans. Même si depuis, dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire, le code de l'éducation permet à «tout jeune âgé de 16 à 18 ans sorti sans diplôme du système de formation et sans emploi de pouvoir se réinscrire dans un parcours de formation lui permettant de préparer son entrée dans la vie active».

En 1993, Olivier racontait que bien qu'«assoiffé de liberté», «même en pesant le pour et le contre, c'est dur de dire si l'on peut se passer des cours». Il parle de ses amis, plus âgés qui ont arrêté leurs études après la troisième «et se sont retrouvés coincés par le système. Libres, ils le sont certes, mais prisonniers d'un niveau social». Dans la balance, il met aussi sa maman : «La situation c'est aussi que j'ai une mère qui nous élève et nous donne […], il serait décevant qu'un enfant déçoive sa mère». Puis, phrase suivante : «Pourtant, c'est dur. Je n'ai pas réellement d'idée de métier. Ce que j'aimerais le plus c'est devenir une star sportive, un exemple pour les enfants de la fin de ce siècle, être quelqu'un de respecté et d'aimé. Dans le monde du sport, il est dur d'être une star. Mais même une fois qu'on y arrive, le jour où l'on est moins productif, moins populaire ou blessé, on n'hésite pas à vous jeter à la poubelle. A ce moment-là, comment s'en sortir si le sport est votre seul domaine ?»

Olivier poursuit, donc : «Si un jour je devais me révéler une star, autant avoir une assurance de l'après-star. Le seul moyen de me sortir du lot, qui finira au chômage, c'est d'en vouloir plus. Alors j'essaie de me démarquer de la masse. Et puis, c'est arrivé dans mon nouveau collège, les cours peuvent se révéler intéressants.»