Comme une bouffée d'air. Devant près d'un millier d'étudiants réunis dans l'Aula Magna de l'université catholique de Louvain, Emmanuel Macron s'est prêté ce mardi, au deuxième jour de sa visite d'Etat en Belgique, à l'un de ses exercices favoris : pendant plus d'une heure, il a répondu aux questions, parfois rugueuses, de jeunes invités à l'interroger sur l'Europe et plus généralement sur toutes questions touchant à la politique nationale et internationale. Au côté du Premier ministre belge Charles Michel, l'un de ses plus fidèles alliés européens, Macron s'est lancé, devant un public plutôt favorable, dans un vibrant plaidoyer pour «le progressisme» qu'il prétend incarner face aux «nationalistes» et aux «démagogues». Une opposition selon lui «fondamentale», même s'il reconnaît qu'elle n'épuise pas le débat européen.
Comme à Aix-la-Chapelle en mai, à Lisbonne en juillet, à Copenhague en août et à Luxembourg en septembre, le chef de l’Etat a laissé voir le plaisir qu’il prend à s’expliquer ainsi devant ces salles généralement bien disposées à son égard. Plombé à domicile par une impopularité record, il est vrai qu’il n’a plus guère l’occasion de tomber sur des auditoires si bienveillants dans des universités françaises. Ce n’est désormais qu’au-delà des frontières nationales qu’il peut encore goûter aux derniers effluves de l’état de grâce dans lequel il a baigné pendant la première année de son quinquennat. Il en avait eu une autre démonstration dimanche dernier à Berlin, quand son discours au Bundestag a été salué par une longue standing-ovation des parlementaires allemands : tandis qu’il n’y en avait en France que pour les «gilets jaunes», sa déclaration d’amour à l’Allemagne faisait le lendemain l’objet de commentaires élogieux à la une de plusieurs quotidiens allemands.
Interrogé sur le poids des lobbys et sur la démission de Nicolas Hulot, Macron a répondu qu'il mettait au défi quiconque «de dire en quoi l'entreprise Total a influencé [ses] décisions». Concernant l'ancien ministre de la Transition écologique, invité jeudi soir de l'Emission politique, il a confié l'avoir eu «il y a quelques jours au téléphone» : «C'est un ami, un homme libre», «il a démissionné pour des raisons personnelles que je respecte», a-t-il ajouté. Le chef de l'Etat a de nouveau défendu le principe de la taxe carbone, l'un des «leviers» d'une politique qui aura, assure-t-il, «des effets concrets et réels» dans la lutte contre la pollution. Dans une Belgique secouée par ses propres «gilets jaunes», Macron a assuré son auditoire que «la taxation des énergies fossiles» était compensée, en France, par un «accompagnement des plus modestes». C'est «par le dialogue et l'explication» qu'il sera possible, selon lui, de répondre à la colère des «gilets jaunes». Parce que la transition écologique «suppose de changer les habitudes», il serait «normal», a-t-il conclu, qu'il y ait des protestations. Il appartient au gouvernement de «trouver à la fois le bon rythme et les solutions de terrain».
Cet échange avec les étudiants a été brièvement interrompu par un jeune très véhément qui l'accusait de «matraquer les étudiants» et d'utiliser des «grenades contre sa propre population». Il brandissait une banderole sur laquelle on pouvait lire : «Le sang coule de leurs mains». Visiblement peu ébranlé, Macron s'est emparé de l'incident avec gourmandise. Saisissant l'occasion de faire ostensiblement une démonstration de son sang-froid et de son goût pour les échanges musclés, exactement comme il l'avait fait à l'usine de Renault de Maubeuge le 8 novembre face à un syndicaliste de Sud. «Vous dites n'importe quoi. […] c'est un lieu de discussion. Je réponds d'abord à votre camarade puis je vous répondrai», a rétorqué Macron tout en invitant la sécurité à ne pas expulser le jeune homme. Alors que ce dernier, solidaire des étudiants de Tolbiac et des militants de Notre-Dame-des-Landes expulsés manu militari au printemps dernier, avait finalement quitté l'amphithéâtre, le chef de l'Etat a certifié qu'en France, les CRS ne «s'attaquaient pas» aux vrais étudiants. Ce que n'étaient pas, a-t-il assuré, ceux qui ont «saccagé Tolbiac». Volontiers ironique en pareille circonstance, il a au passage rendu hommage à Guevara, le «petit chien extrêmement sympathique» qui tenait, sur Twitter, la chronique parodique de l'occupation de la fac parisienne.