Après la prise de conscience, la prise de corps ? Le mouvement #MeToo a fait découvrir au monde un continent ignoré (des hommes en tout cas, et des institutions), celui des agressions innombrables, du simple harcèlement jusqu’au viol, dont les femmes de tous les pays sont victimes sans qu’elles n’obtiennent ni sanction, ni réparation, ni soutien de la société. Une certaine droite ne cesse de mettre en exergue les «excès» supposés du mouvement. Si certains sont accusés à tort, il faut le dénoncer. Mais on voit bien, dès qu’on a un minimum d’honnêteté intellectuelle, que ce sont de rares exceptions à la règle. La preuve en est, d’ailleurs, que l’immense majorité des agresseurs désignés par leurs victimes ont reconnu les faits. Les esprits ont-ils changé ? On peut l’espérer. Mais ce qui n’a pas encore changé, c’est la réaction des institutions chargées de faire régner le droit, de rendre justice aux agressées, de prévenir les délits. Bien trop souvent, les victimes doivent affronter le scepticisme des policiers, l’indifférence de l’opinion - quand ce n’est pas une sourde réprobation - et la lourdeur éléphantesque de la justice. Les pratiques mises au jour par #MeToo sont massives et indiscutables. Mais leur sanction judiciaire reste encore incertaine, souvent inexistante. On comprend bien que la preuve est souvent difficile à produire pour des faits commis dans l’intimité du foyer, dans un tête-à-tête où la parole de l’une se heurte à celle de l’accusé, qui bénéficie par définition du doute en cas de procès. Mais il est clair que les dispositifs d’accueil des plaintes, les moyens d’investigation, l’attention des procureurs et des juges restent encore très en deçà du nécessaire. C’est pour que la prise de conscience se traduise en actes que les femmes marcheront samedi dans les villes de France. Au nom de l’égalité et de la justice.
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