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mécontentement

«Gilets jaunes» : Macron ne veut pas se prendre une veste

Personnellement mis en cause par les manifestants, le Président entend garder le cap de la «trajectoire carbone», mais déminer la fronde en «changeant de méthode».
Au péage autoroutier de La Gravelle, en Mayenne, samedi. (Photo Thierry Pasquet. Signatures)
publié le 26 novembre 2018 à 20h46
(mis à jour le 27 novembre 2018 à 12h43)

Bousculé par une colère tenace, Emmanuel Macron tente une nouvelle fois de reprendre la main ce mardi à l'Elysée. Selon le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, le chef de l'Etat proposera, lors d'un discours sur la politique énergétique, «une réponse globale» qui ne sera ni «un renoncement» à la fiscalité écolo ni un «aveuglement» face à la mobilisation. Le 14 novembre, trois jours avant la première journée de mobilisation, une première tentative avait échoué. Les mesures présentées par son Premier ministre, Edouard Philippe, n'avaient en rien calmé la fronde. Lundi en Conseil des ministres, le chef de l'Etat a pris acte de la profondeur de la grogne. «C'est la France insécurisée qui s'exprime, celle victime de la mondialisation et de la désindustrialisation. Il ne faut pas juger moralement les "gilets jaunes", ils ont dit quelque chose de vrai.» Dimanche depuis Bruxelles, Macron avait donné le ton : «Il n'y a pas de projet politique - au niveau national et européen - si nous n'apportons pas une réponse claire à nos classes moyennes et à nos classes laborieuses». Son ministre du Budget, Gérald Darmanin, l'avait dit plu crûment sur RTL : «Manifestement, on a loupé quelque chose dans l'explication de la taxe carbone.»

Pistes

Ce mardi matin à l'Elysée, Macron va donc tenter de rebondir, à l'occasion de la présentation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), censée donner le cap de la transition énergétique pour la décennie à venir. Attendu depuis plusieurs mois et maintes fois reporté, ce rendez-vous prend une dimension inattendue. L'arbitrage ultrasensible sur les éventuelles fermetures de centrales nucléaires risque de passer derrière la question de l'accompagnement social de la transition écologique.

«Le Président entend conserver la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre, assure un ministre. Mais il est désormais convaincu qu'il faut changer de méthode. Si les mesures prises sont perçues comme injustes, cela conduit à la remise en cause du consentement à l'impôt.» Selon la même source, Macron sera particulièrement attentif à la façon dont les mesures s'appliqueront sur le territoire.

Si «la méthode change, le cap est maintenu» a martelé la majorité, au lendemain d'un week-end de mobilisation et de débordements. Pour l'exécutif, pas question de modifier la «trajectoire carbone» défendue par Hulot l'an dernier devant le Parlement. Selon Griveaux, le Président donnera des réponses «sur le court et sur le long termes». Ira-t-il, comme l'a demandé François Hollande lundi sur France Inter, jusqu'à envisager une «réallocation» sous forme de chèque énergie d'une part supplémentaire de la taxe carbone ? Griveaux l'a implicitement confirmé à l'issue du Conseil des ministres : «Il y a des éléments financiers qui permettent d'avancer, de rendre l'accompagnement plus juste et plus puissant.» Parmi les pistes envisagées : augmentation des primes à la conversion, du chèque énergie, ou encore création d'un chèque énergie voiture.

Moratoire

Le gouvernement va-t-il assouplir sa fiscalité écologique, comme l'a préconisé François Bayrou ? Le 22 novembre dans le Figaro, l'allié Modem s'était prononcé pour une mise en place plus «progressive» des taxes sur le carburant, envisageant de réactiver la TIPP flottante mise en place sous Jospin [et non pas sous Ayrault, comme évoqué dans notre édition papier, ndlr] dans un contexte similaire de flambée du brut. Autre piste, soutenue notamment par la députée LREM Brigitte Bourguignon : un moratoire sur les hausses prévues au 1er janvier. Ecartée par François de Rugy et la plupart des huiles macroniennes, cette idée pourrait bien ressurgir. «Pour Macron, aucune piste n'est taboue», dit un de ses proches.

L'Elysée a convié les syndicats et les associations de défense de l'environnement au discours de mardi. Le leader de la CFDT, Laurent Berger, se rendra à ce rendez-vous, une semaine après qu'Edouard Philippe a imprudemment opposé une fin de non-recevoir à sa demande de construction d'un «pacte social» de la transition écologique. Selon Griveaux, Macron serait même «ouvert» à une rencontre avec la délégation de «communicants officiels» désignés par les «gilets jaunes» et déjà remise en cause. Précisant toutefois craindre de «ne pouvoir répondre favorablement» aux demandes de dissolution de l'Assemblée et de démission du Président…