Les Européens de l'Ouest ne seraient pas tant opposés à l'immigration qu'en plein doute, selon le rapport de l'institut Delors publié ce mercredi. A l'Est, où l'immigration a été quasiment inexistante pendant la période communiste, «la majorité est plutôt déterminée pour le rejet, explique l'auteur du rapport, Jérôme Vignon. Mais si on pondère avec la population totale de l'UE, la majorité est dans le doute». Ces citoyens-là sont «sincèrement divisés» : «Beaucoup ont par ailleurs accompli des gestes de solidarité» avec les migrants et réfugiés. Cette fraction qui n'est donc ni pro ni anti-immigration est estimée à 48 % des électeurs italiens, 53 % des français, 58 % des allemands.
En Italie, il s'agit surtout de «sécuritaires inquiets» (12 %), qui craignent des menaces à l'ordre public mais ne sont pas défavorables à la contribution qu'ils apportent en tant que travailleurs ; d'«oubliés du progrès» (17 %), surtout des femmes de plus de 60 ans, qui sont ouverts aux réfugiés mais ressentent de l'injustice d'avoir porté les sacrifices de la modernisation du pays ; et de «modérés non engagés» (19 %) qui ont plutôt moins de 30 ans, de la sympathie pour les immigrés mais une profonde défiance envers le système politique.
En Allemagne, leur profil est un peu différent : les «opposants modérés» (17 %) rejettent le nationalisme mais sont à cheval sur les règles de l'asile, qu'ils doutent de voir respectées. Ils craignent l'islam et souhaitent des contrôles stricts aux frontières. Les «humanitaires sceptiques» (21 %), ensuite, sont plutôt âgés et habitants de villes moyennes. Ils sont d'accord avec la nécessité d'être hospitalier mais ne croient pas que les immigrés musulmans aient réellement envie de s'intégrer. Enfin, les «actifs pragmatiques» (20 %), à qui l'islam pose problème, puisqu'ils ne le croient pas compatible avec les valeurs allemandes. Ils reconnaissent néanmoins la nécessité de l'immigration sur le plan économique.
Enfin, en France, on distingue aussi trois catégories. Les «inquiets économiques» (17 %), qui ont peur que l'avenir soit sombre et souhaitent une baisse de l'immigration ; les «laissés pour compte» (21 %), semblables au profil des «oubliés du progrès» italiens et qui souhaitent le retour des migrants, à terme, dans leur pays d'origine, sans leur manifester d'hostilité ; enfin les «humanitaires» (15 %), en majorité des femmes, qui sont ouverts aux réfugiés mais dubitatifs quant à leur capacité d'intégration.
Une autre leçon que tire ce rapport d'orientation des sondages effectués dans l'Union européenne, c'est que la question migratoire est perçue « comme le défi principal auquel l'Europe se trouve confrontée. Pour 38 % [des électeurs européens], cette question passe avant la menace terroriste (29 %), avant la crainte du chômage (14 %) et même du changement climatique (11 %)». Il est notable également que «pour une majorité, c'est avant tout une question pour l'Union européenne en soi, avant d'être un défi posé à chaque Etat».