Antonio (1), 40 ans, est un «gilet jaune» du début. Il était des opérations escargot le 17 novembre près de Compiègne (Oise), où il vit. «Je fais partie des nombreuses personnes qui galèrent le 15 du mois en ayant un travail. Je suis chargé de clientèle, je touche 1 300 euros par mois, j'ai 600 euros de loyer. Je sors pas. Même pas la peine de penser aux vacances. Je travaille pour payer. Pour samedi, des amis m'ont dit qu'ils allaient à Paris. J'hésitais un peu. Je me doutais que ça n'allait pas bien se passer, mais pas à ce point-là. Mais bon, j'ai décidé d'y aller. On est arrivé vers 13 h 30 là-bas. D'abord à Madeleine, et puis sur les Champs-Elysées. C'était déjà le gros bazar. Il y avait des nuages de lacrymo partout. Toute la journée, ça a été ça. Gazage par les policiers, canon à eau. Moi, j'étais dans des rues parallèles pour éviter de prendre des trucs sur la figure. Vers 16 h 30, les CRS ont commencé à charger. Ils étaient à 50 mètres de nous. Il y avait des gens qui jetaient des pierres, je vais pas le nier. Et il y a quelque chose qui est tombé près de mon pied. Il y a eu une grosse détonation, une grosse lumière. J'ai senti mon pied qui me brûlait, mais je suis parti parce que les CRS chargeaient. Là des gens m'ont dit : "Monsieur, vous saignez énormément du pied." Un gros morceau de grenade a traversé la chaussure et s'est fiché dans mon pied. Les pompiers sont arrivés quarante minutes après.» Antonio a été opéré et a eu dix jours d'ITT. Il va porter plainte. «Je n'ai rien fait de mal à part gueuler "Macron dégage, Macron démission." Je n'ai pas caillassé. Je n'ai pas volé dans un magasin. Et j'aurais pu perdre mon pied comme d'autres ont perdu leur main.»
(1) Le prénom a été modifié.