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Libération
Tant pis

Laurent Wauquiez et les gilets jaunes, le rendez-vous raté

Défenseur auto-proclamé des classes moyennes et de «la France qui travaille», le patron de LR avait tout pour plaire aux manifestants. Mais rien à faire, ça ne prend pas.
Laurent Wauquiez au Puy-en-Velay, le 17 novembre, parmi les gilets jaunes. (Photo Thierry Zoccolan. AFP)
publié le 1er décembre 2018 à 11h19
Face au mouvement des «gilets jaunes», Laurent Wauquiez peut se targuer d’avoir eu du nez. Dès la rentrée, son parti Les Républicains avait lancé une campagne contre la hausse de la taxe sur les carburants et la limitation de vitesse à 80 km/h. Deux mois plus tard, on ne peut pas dire que le président de la région Auvergne-Rhônes-Alpes en recueille les bénéfices. Malgré la mise en scène de ses rencontres avec les gilets jaunes dans sa ville du Puy-en-Velay et dans l’Oise, «le président de LR ne progresse pas dans les enquêtes d’intentions de vote. Il ne tire pas les marrons du feu», constate Jérôme Fourquet, le directeur de l’Ifop.

Accents sarkoziens

Pourtant, depuis son accession à la tête du principal parti de droite, Wauquiez avait tout pour plaire aux manifestants. Il a calé son discours sur la défense des classes moyennes et des territoires en voie de désertification, peignant Emmanuel Macron en président des villes et des élites. Des thématiques un peu calquées sur celles de Marine Le Pen qui, pendant sa campagne présidentielle, s’était fait le porte-drapeau de cette France des «oubliés». Laurent Wauquiez avait même retrouvé des accents sarkoziens pour défendre «la France qui travaille». Dans l’Oise, il s’est même glissé dans la peau d’un Georges Pompidou pour demander qu’on «arrête d’emmerder les Français». «Sociologiquement, ce mouvement est très compatible avec la droite», poursuit Jérôme Fourquet pour qui «Laurent Wauquiez a eu de bonnes intuitions et tient le bon discours. Mais malgré tout, cela ne prend pas».

«Soupçon d’insincérité»

En fait, LR paye encore aujourd’hui les conséquences du quinquennat de Nicolas Sarkozy et des déceptions qu’il a suscitées. «Ces gens qui manifestent, les classes moyennes et les catégories populaires, ne croient tout simplement plus en nous parce que nous n’avons pas su répondre à leurs aspirations en commençant par le pouvoir d’achat», analyse un proche de Laurent Wauquiez. Pour les gilets jaunes, LR apparaît comme un parti d’un système qu’il rejette dans sa globalité.
«Il y a dans ce mouvement une part de dégagisme. Il exprime aussi le rejet du système et de la classe politique dans son ensemble, tous horizons confondus. C’est peut-être encore plus fort vis-à-vis de LR, qui est vu comme un parti institutionnalisé, un parti de professionnels et qui a été associé aux responsabilités. Il pèse en plus sur Laurent Wauquiez un soupçon d’insincérité récurrent. La présence d’anciens LR au gouvernement n’arrange pas les choses», résume Jérôme Fourquet, pour qui cette impression de partis quasi interchangeables ne peut que conduire à une très forte abstention lors des prochaines élections européennes. Pour le directeur de l’Ifop, «le RN [ex-Front national] de Marine Le Pen ramassera une partie des fruits de cette contestation dans les urnes mais pas en totalité. De toute façon, on voit bien qu’à ce type de scrutin, un taux d’abstention de 50% est en train de devenir la règle». Ne reste plus à Laurent Wauquiez qu’à rendosser sa parka rouge pour se rendre plus visible parmi les gilets jaunes.