Mettre la pression sur l'exécutif sans paraître se désolidariser des gilets jaunes. Après les débordements violents du week-end, Laurent Wauquiez a tenté lundi de tenir une ligne périlleuse étant donné l'attachement à l'ordre et au respect des institutions de son électorat. Alors qu'il n'a réagi ni au saccage de l'Arc de triomphe ni même à l'incendie de la préfecture du Puy-en-Velay, ville dont il a pourtant été maire, le patron du parti Les Républicains a pointé un doigt accusateur vers l'Elysée. «Le président de la République ne peut plus rester silencieux», a-t-il lancé en sortant de son entretien avec le Premier ministre. Et Wauquiez d'appeler une nouvelle fois le chef de l'Etat à «rendre la parole aux Français» en organisant un référendum sur la transition écologique.
Vu l'actuel désamour entre les Français et Macron, l'issue d'un tel retour aux urnes pourrait faire les affaires de l'opposition. Mais chez LR, cette proposition est loin de faire l'unanimité. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, s'est clairement désolidarisée lundi : «C'est une situation d'urgence, on n'a pas le temps d'attendre des consultations qui vont mettre des mois à se tenir.» Pour elle, il ne faut pas «ajouter à la crise une crise institutionnelle». «Aujourd'hui nous avons besoin d'un retour à l'ordre et nous avons besoin aussi d'un gouvernement qui écoute les Français», insiste l'une des rares figures de LR à avoir clairement condamné les dégradations de l'Arc de triomphe par certains gilets jaunes.
Inquiet de voir l'Etat de droit «bafoué» et la République «malmenée», le président du Sénat, Gérard Larcher, a réclamé «une réponse rapide». En gros, il appartient à l' Assemblée d'adopter à son tour le gel de la hausse des taxes sur les carburants voté la semaine dernière à la Chambre haute contre l'avis du gouvernement. Une façon de mettre en musique le «moratoire» sur la hausse de la fiscalité des carburants que Wauquiez réclame à cor et à cri depuis une semaine. «C'est une solution simple et attendue», confirme à Libération Albéric de Montgolfier, rapporteur LR de la commission des finances du Sénat.
Pour la droite, l'exécutif n'a plus vraiment le choix. «Si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités, l'Assemblée devra, par un vote, rétablir ces taxes. Ce qui serait pour toute cette France qui manifeste en gilets jaunes ou les soutient massivement une nouvelle claque», a fait valoir le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau. Le manque à gagner pour l'Etat (2,9 milliards d'euros) pourrait alors être compensé selon LR par la mise en place d'un dispositif antifraude sur les dividendes et le gel des embauches de fonctionnaires dans l'administration centrale.
Un «premier geste» qui, de l'avis de Montgolfier, en appellera d'autres, budgétaires avant d'être institutionnels. «Parler de référendum n'est pas à la hauteur des enjeux immédiats», insiste-t-il, rejetant lui aussi la position de Wauquiez. On n'échappera pas à un débat sur la transition écologique, le pouvoir d'achat et la politique fiscale.» Pour la droite sénatoriale, une révision de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière ne serait alors pas à exclure.