Huit minutes pour huit Marseillais. Mercredi matin, à 9 h 05 pile, la ville fera silence quelques instants, en mémoire des huit victimes de l'effondrement des deux immeubles de la rue d'Aubagne, le 5 novembre, il y a un mois jour pour jour. Un «deuil citoyen», proposé par le Collectif du 5 novembre - Noailles en colère, structure créée après le drame, à défaut de deuil officiel : car «un mois après la catastrophe humaine et politique du 5 novembre, la mairie n'a toujours pas daigné rendre hommage dignement aux huit victimes», pointent les militants sur les réseaux sociaux.
Jugé très distant
La crise qui a suivi le drame du 5 novembre a entraîné l'évacuation à la hâte de 199 immeubles considérés comme dangereux, dans lesquels vivaient 1 561 personnes, aujourd'hui hébergées dans des hôtels ou par des proches. Quelques familles ont aussi été relogées en HLM. Les trois importantes mobilisations, amenant à chaque fois quelque 10 000 personnes à crier leur colère au pied de la mairie, n'y ont rien fait : jugé très distant après le drame, le maire Jean-Claude Gaudin a eu beau marteler qu'il était intérieurement «hanté par la mort de ces Marseillais», il n'a pas su faire les gestes symboliques qu'attendent les habitants.
Y compris dans des détails qui en disent long, comme le 10 novembre. Les Marseillais organisaient alors une première marche blanche en hommage aux victimes. Le cortège, parti du quartier Noailles, lieu de la catastrophe, a transporté les photos des disparus jusque sous les fenêtres de l'Hôtel de ville. Sur la façade de l'édifice, les différents drapeaux étaient bel et bien en berne… avant d'être redéployés pleinement moins de deux heures après le départ des manifestants. Il a fallu qu'un journaliste du site Marsactu pointe la manœuvre sur les réseaux sociaux pour que la mairie corrige le tir. «Dès les premiers jours, la mairie n'a rien fait, n'a pas organisé de deuil officiel et depuis, elle s'enfonce dans une sorte de mutisme politique et commémoratif pour surtout, ne pas prendre de risque, déplore Kevin Vacher, membre du Collectif. C'était déjà désastreux au début et aujourd'hui, ils continuent à s'enfoncer. Comment peuvent-ils faire autant d'erreurs sur quelque chose d'aussi basique que la commémoration ?»
Ce mardi, à l'occasion d'un point de situation sur la gestion d'urgence, Julien Ruas, l'adjoint délégué à la prévention et à la gestion des risques urbains, et Arlette Fructus, l'adjointe au logement, ont annoncé que le maire allait demander lundi aux élus de faire une minute de silence en préambule au conseil municipal, le tout «sûrement» accompagné d'une prise de parole. Rien de plus, y compris ce mercredi, date anniversaire. Quant au maire, invisible depuis plusieurs jours, Julien Ruas l'assure : son absence n'est que «médiatique». «Il est très présent sur cette crise, soutient-il. Il est allé rencontrer les sinistrés, ses équipes sur le terrain…» Les élus promettent aussi que si la gestion de la crise occupe pour l'instant leur quotidien, la ville réfléchira à la façon de marquer l'événement, sous une forme qui reste à déterminer. «On mesure l'importance de cette demande, souligne Arlette Fructus. Mais il est trop tôt pour y penser. Comptez sur nous, nous aurons la bonne réponse car il est indispensable que Marseille se souvienne.»
Mémorial
Les Marseillais, pourtant aux prises avec le chaos, ont tout de même pris le temps de rendre hommage aux victimes. Rue d'Aubagne, dès le lendemain de la catastrophe, ils ont improvisé un mémorial où l'on trouve des photos, des messages, des fleurs et des bougies en mémoire des victimes. Leur colère non plus ne faiblit pas. Ils seront encore mobilisés lundi à l'occasion du premier conseil municipal post-catastrophe, à l'appel du Collectif du 5 novembre. Un rassemblement est prévu dès 8 heures devant les portes de l'hémicycle pour «le logement et une ville pour tous les habitants». Cette fois-ci c'est sûr, les élus ne pourront que les entendre.