Défilé de victimes de la dernière heure, mardi, à l’ouverture du procès du «mur des cons». A la douzaine de parties civiles, députés LR pour la plupart – plaignants depuis l’origine, ils ont le mérite de la constance –, s’ajoutent quelques opportunistes en mal de publicité. Comme Nicolas Dupont-Aignan, qui n’est toutefois pas allé jusqu’à honorer le tribunal de sa présence. Ou plus ostentatoire, Dieudonné M’Bala M'Bala, revêtu pour l’occasion d’un gilet jaune. Tous seront interrogés jeudi à la barre, mais l’occasion est déjà donnée à Antoine Comte, avocat du Syndicat de la magistrature (SM), de pester contre «ces présumées victimes d’injures, qui passent pourtant leur temps à polémiquer, qui cherchent une tribune politique et non une décision judiciaire, en vue de dénoncer le syndicalisme judiciaire».
L’audience s’ébroue avec le visionnage de la vidéo filmée clandestinement en 2013 par le smartphone d’un journaliste de France 3, alors que son cameraman s’affairait pour une interview officielle de la présidente du SM, Françoise Martres. On les entend deviser devant le désormais célèbre «mur des cons». Elle : «Y a de tout, peut-être même des journalistes.» Lui : «Oui, j’en vois quelques-uns. […] Bon allez, on y va.» Le tout sera balancé non pas sur France Télévisions, mais sur le site Atlantico, sous une présentation parfaitement mensongère : «C’est un magistrat qui a fait cette découverte…»
«La manipulation est grossière»
L’ancienne présidente du SM (de 2012 à 2016, donc à l’époque des faits), est la seule prévenue. Longuement entendue à la barre, elle revendique, au nom de son syndicat, «une expression souvent corrosive mais jamais injurieuse». Elle concède quand même une sorte de mea culpa : «Le SM est conscient de l’émoi suscité par sa diffusion, du tort causé au syndicalisme. La manipulation est grossière, certains en tirant profit pour critiquer toute décision judiciaire. Nous avons décidé d’assumer collectivement cet affichage, sans chercher à savoir qui a fait quoi.»
Sur la genèse du mur, c’est clair et net : tout remonte, selon elle, à Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur puis président de la République. «Les attaques contre la justice venaient de celui qui était garant de son indépendance, malmenée quand il était au pouvoir.» Certes, mais de là à traiter de cons la plupart des membres de la sarkozie ?
«Grand n’importe quoi»
S’ensuit un débat juridico-sémantique sur le terme. «Je ne dis pas que c’est intelligent ou de bon goût, concède la prévenue. Dans la vie courante, cette injure est moins péjorative. Ça dépend comment on le prononce : lancer "casse-toi pauv' con" en public, ce n’est pas la même chose que de se le dire autour de la machine à café.» Elle a un contre-exemple en tête, Manuel Valls, épinglé en 2010 sur le mur en question en tant que maire d’Evry, pour avoir critiqué la justice des mineurs. «On ne lui a pas dit publiquement : vous êtes un con. Mais on lui a écrit une lettre.»
La défense admet une forme de «grand n’importe quoi», mais pas l’injure publique. Quant aux diverses personnalités figurant au mur, Françoise Martres dit ne «pas en connaître la moitié.» Et «renouvelle les excuses du SM» pour les deux parents d’enfants disparus ayant critiqué la justice de leur pays. Mais retrouve de l’aplomb à propos de Nadine Morano : «Pour elle, il y a une évidence.»