Depuis le début du mouvement, Facebook accueille toutes les délibérations collectives entre gilets jaunes éparpillés dans toute la France. Mardi après-midi, il fallait vraiment chercher pour trouver un seul commentaire positif dans les groupes de discussion. Pas de trace non plus d'un appel au calme. Le groupe «la France en colère !!!» a organisé un sondage à choix multiples après les annonces d'Edouard Philippe. «Vous avez été convaincu par les annonces ?» demandait Eric Drouet, un des leaders de la contestation depuis le 17 novembre. Résultats sans appel : «Non, action dans ma région samedi» (614 personnes), «Non, pas du tout satisfait» (486), «Non, Paris samedi» (404). Au total, ils n'étaient que sept à répondre «Oui».
Après le discours du Premier ministre, «poudre aux yeux», «foutage de gueule», «enfumage», «on nous la fait à l'envers» ou «on lâche rien» sont les expressions qui reviennent le plus. L'idée générale est que le moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants ne fait que repousser le problème : «C'est juste reculer pour mieux sauter.» «Il cherche à gagner du temps à l'approche de Noël, à nous endormir. Dans six mois, on est bons pour remettre le gilet jaune !!» écrit un internaute. Les analystes politiques voient cette suspension comme une manière d'enjamber les européennes mais les gilets jaunes relèvent plutôt que la fin du moratoire tombe «pile poil pour les vacances d'été», moment où l'essence sera d'autant plus utile et l'attention médiatique moindre pour «nous la mettre». Une capture d'écran de BFM TV avec un bandeau «taxe reportée : un geste suffisant ?» remet le feu aux poudres, apparaissant pour beaucoup comme la preuve formelle du «foutage de gueule» en cours.
«Miettes»
La réponse tardive du gouvernement ne peut satisfaire un mouvement qui, à force de se réunir sur les ronds-points ou sur Internet, a formulé une tonne de demandes très éloignées de la seule taxe sur les carburants. Les annonces de mardi apparaissent comme des «miettes jetées à des pigeons». Et «les pigeons vont lui chier dessus», écrit un gilet jaune, résumant l'état d'esprit général. «Il propose des choses qui auraient dû être proposées dès le premier acte», analyse une internaute.
Samedi prochain, ce sera «l'acte IV», comme disent les événements Facebook annonçant la mobilisation. Ce qui veut dire que le gouvernement a trois «actes» de retard face à un mouvement qui réclame désormais des mesures de démocratie directe, une augmentation du smic (plus que les 3 % annoncés), le rétablissement de l'ISF, des mesures pour les retraités ou la baisse des salaires des élus.
«Moquette»
C'est à se demander si les annonces du gouvernement n'en radicaliseraient pas certains. «Au début, je n'étais pas très fan des gens qui demandaient la démission ou la destitution de Macron, il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis», avoue un internaute. Pour tous, pas question de renoncer à la mobilisation de samedi. «Satisfaite : non : acte IV mais pas à Paris jusqu'au retour de l'ISF et une augmentation significative du smic !» dit une gilet jaune. «Jusqu'au départ de ces clowns ! Donc "Macron démission" ce n'était pas que des mots en l'air», lui répond un autre. Dans un combat qui est devenu frontal face au chef de l'Etat, beaucoup estiment que Macron s'est défilé en laissant parler son Premier ministre, souvent qualifié de «sbire» : «Un président qui ne s'adresse pas à la nation c'est un manque de respect et c'est du mépris total.» «Où est Macron ??????» s'interroge une gilet jaune interloquée. «Il change la moquette avec Brigitte», lui répond un autre, emportant les rires, numériques, de l'assistance.