Trois jeunes blessés au visage par des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD40) émanant de policiers. Le mouvement lycéen, dans les pas des gilets jaunes, se durcit au fil des jours. Certes, le nombre de lycées bloqués était «en baisse» mercredi, par rapport aux derniers jours. Mais la contestation vire, par endroits, à des affrontements très violents entre lycéens et forces de l'ordre. Les académies de Versailles, Créteil et la ville de Marseille sont particulièrement touchées. «A l'instar du mouvement des gilets jaunes passant en boucle sur les chaînes d'information continue, le mouvement étudiant est éclipsé par des actes de plus en plus violents de guérilla urbaine. De nombreux débordements ont ainsi été de nouveau observés ce jour, entraînant plus d'une centaine d'interpellations», indique une note de synthèse rédigée par la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et le service central du renseignement territorial, que Libération s'est procurée. Dans le Val-d'Oise, 138 personnes ont été interpellées mercredi, selon le député LREM Aurélien Taché.
«Dents cassées». Le lycée Simone-de-Beauvoir de Garges-lès-Gonesse est ainsi en état de choc. Un élève en terminale scientifique a été blessé mercredi matin par un tir de LBD40. «Il a été touché à la joue, jusqu'à la mâchoire. Il est tombé devant le lycée, en sang. On l'a fait rentrer dans l'établissement, le temps que le Samu le prenne en charge, raconte une enseignante, présente devant les grilles mercredi matin. Il était 9 h 15, j'essayais de convaincre les élèves de rentrer chez eux car je craignais que cela dégénère. Ils étaient plusieurs centaines devant les grilles, une partie d'entre eux attendaient en fait la levée du blocus pour retourner en classe car ils ne voulaient pas être considérés comme absents.» D'autres se mobilisaient contre Parcoursup. Et puis, il y a ceux qui n'étaient pas du lycée : «Certains habitent dans les environs je pense, j'ai reconnu un de mes anciens élèves. La situation a dégénéré quand un arbre, à côté d'une poubelle, a pris feu. Les CRS sont arrivés dans les minutes qui ont suivi, pointant des flash-balls vers les jeunes. J'ai vu des cailloux voler, et c'est parti très vite, c'était très violent.» Réunis en AG en fin de matinée, les enseignants ont rédigé un communiqué commun. «Pour marquer notre soutien aux élèves, poursuit l'enseignante. Leur dire que l'Etat, ce n'est pas juste des flash-balls dans la tête. C'est important qu'ils le sachent.» Le communiqué appelle tous les adultes de l'établissement à venir devant le lycée jeudi à la première heure, pour manifester leur refus de la violence. «Plus on sera d'adultes, moins ça dérapera, je pense. Il faut une manifestation pacifiste et que le gouvernement entende la colère de ces jeunes, sinon, cela va s'empirer.»
Près d'Orléans, la situation a aussi dégénéré mercredi matin, envoyant un lycéen aux urgences. «Nous étions sous un arrêt de tram et la police était à plusieurs mètres de nous, armée de flash-balls, de bombes lacrymo et de matraques, racontent plusieurs témoins, préférant garder l'anonymat. Quand les policiers ont chargé, il y a eu un mouvement de panique. Oumar était statique, lui, quand il a reçu le flash-ball en pleine tête.» Le visage ensanglanté et inconscient, le jeune homme a été conduit au centre hospitalier régional d'Orléans, sans que son pronostic vital ne soit engagé, contrairement à ce qu'ont relayé plusieurs médias. Mercredi soir, les nouvelles étaient plutôt rassurantes : selon son entourage, Oumar va mieux. «C'est nous qui avons appelé les secours, qui l'avons entouré, rassuré. Les policiers étaient trop occupés à s'en prendre aux parents arrivés sur place et semblaient perdus, comme dépassés par les événements.» Le parquet a ouvert une enquête sur les circonstances exactes qui ont entouré cet incident.
Une enquête a également été ouverte à Grenoble, l'IGPN saisie après une plainte déposée par les parents d'une jeune fille, elle aussi blessée au visage mardi. Selon sa mère, citée dans le Dauphiné libéré, la lycéenne de 16 ans présente «de sérieuses lésions à la mâchoire inférieure, avec des fractures et des dents cassées». La famille assure que cette blessure a été provoquée par un tir de LBD40 venant de CRS.
«Jeu dangereux». Mercredi soir, Louis Boyard, le président de l'UNL, l'un des principaux syndicats lycéens, était sur les nerfs. Un peu plus tôt dans la journée, il était au ministère de l'Education, reçu par le cabinet du ministre Blanquer. «Ils n'ont fait aucune proposition concrète, nous n'avons eu aucune réponse à nos revendications. On a bu un thé, très bien. Mais ce n'est pas ça qui va calmer la rue ! Ils jouent un jeu très dangereux. Ils attendent quoi pour réagir ? Un mort, c'est ça ?» Parmi ses revendications, l'UNL demande la fin du contrôle continu pour le bac. Le syndicat appelle à une nouvelle journée de mobilisation vendredi, la Fidl et la SGL, pour leur part, dès jeudi.
Autre fait marquant mercredi : les étudiants ont fait leur entrée dans le mouvement. A Paris, notamment, Paris-III et Tolbiac ont voté le blocage «pour un retrait de Parcoursup et la baisse des frais d'inscription».