C'est la tuile. L'année dernière, ce fut la mort de Johnny qui monopolisa les esprits et les foules aux dépens des mille et une actions prévues par le Téléthon. Cette année, en raison des manifestations des gilets jaunes, les organisateurs ont dû changer en catastrophe l'emplacement du podium central, qui devait se dresser samedi place de la Concorde à Paris, et tout rapatrier dans les studios de France Télévisions. «Contrairement à ce que l'on croit, le Téléthon est un événement fragile, nous disait récemment Laurence Tiennot-Herment, sa présidente. Et l'on a toujours cette peur qu'un événement extérieur ne le fragilise encore plus.»
La crainte est là, bien réelle, que le mouvement de contestation éclipse tout le reste, affaiblissant les initiatives locales. D’autant plus que cette année, les dons aux associations françaises sont en forte baisse. Le Téléthon 2018, qui débute ce vendredi soir, se veut pourtant comme une embellie qui se poursuit. Avec un objectif clair : la guérison. Pour certaines maladies rares, cela commence à devenir une réalité. Entretien avec Serge Braun, directeur scientifique du Téléthon depuis 2005.
Il y a un an, vous présentiez les résultats d’un essai de thérapie génique sur la myopathie moléculaire. Sur le chien, les résultats étaient spectaculaires, et vous deviez commencer un essai sur l’enfant. Où en est-on ?
Cela se confirme. Lors du Téléthon, nous allons montrer une vidéo de l’amélioration, là aussi spectaculaire, chez un enfant qui peut de nouveau marcher après un an de traitement. C’est une myopathie rare, qui touche un garçon sur 50 000, moins d’une dizaine par an en France, mais les effets sont lourds, tous les muscles sont atteints, avec une faiblesse généralisée. L’enfant doit vite être trachéotomisé. Et un sur deux meurt avant l’âge de 2 ans. Il n’existait alors aucun traitement. Le changement est donc énorme. Chez les sept enfants qui ont été traités, l’amélioration est manifeste. Mais on le fait progressivement. Cela montre, en tout cas, que ce modèle de thérapie génique fonctionne.
Des hypothèses sont devenues des preuves et nous entrons de plus en plus dans la logique des médicaments, qui doivent pouvoir entrer dans le système de santé. Je prends pour autre exemple une forme particulière de maladie des «bébés-bulles» [dépourvus de défenses immunitaires, ndlr] qui montre bien ces nouvelles formes d'entente. L'un des géants de l'industrie pharmaceutique, l'anglais GSK, a conclu avec la Fondazione Telethon un partenariat stratégique inédit. GSK a acquis auprès de notre petite sœur italienne une licence exclusive pour commercialiser un traitement par thérapie génique de ce que l'on appelle le déficit en adénosine désaminase (ADA-SCID), qui touche 350 patients à travers le monde. Elle ne constitue pas en soit un marché industriel, mais grâce à cela, un tabou a été levé : on peut industrialiser le traitement d'une maladie très rare, de surcroît par thérapie génique, que les industriels se contentaient d'observer sans trop chercher à s'y investir.
Vous évoquez aussi des avancées sur l’amyotrophie spinale infantile ?
Oui, avec un médicament qui va être mis sur le marché. Il va permettre à des enfants de vivre presque normalement, avec un traitement tous les quatre mois. C’est le même parcours : après que le Généthon a mis ce traitement sur les rails, c’est le laboratoire AveXis, racheté par Novartis, qui a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités de santé américaine, européenne et japonaise de son produit de thérapie génique. Et ce lundi, Novartis a annoncé que la FDA américaine avait validé le dépôt du dossier et allait réaliser un examen prioritaire du produit sous le nom de Zolgensma.
N’est-ce pas une goutte d’eau par rapport aux 8 000 maladies rares qui touchent globalement une personne sur vingt ?
Non, l’espoir se concrétise, on a chaque année une trentaine d’essais actifs. Et on va assister à une forte montée en puissance.
Au point que vous parlez même de guérison…
Cela devient un terme justifié. Les thérapeutiques commencent à faire leurs preuves, ouvrent des perspectives pour beaucoup d’autres maladies, y compris pour les cancers. On récolte les fruits d’un travail de près de trente ans.