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Libération

Les moines de Tibéhirine béatifiés ce samedi à Oran

publié le 7 décembre 2018 à 20h36

Cette fois-ci, ce sera, plus discrètement, à Oran. Et non pas à Alger comme il y a vingt-deux ans pour la messe de leurs funérailles, célébrée le 2 juin 1996 sous très haute surveillance policière. Ce samedi, les sept moines de Tibéhirine seront béatifiés à la chapelle Santa-Cruz d’Oran, avec douze autres religieux catholiques, victimes eux aussi de la violence terroriste. L’enlèvement des moines, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, avait été revendiqué par le Groupe islamique armé (GIA).

Que la cérémonie ait lieu en Algérie est déjà en soi un événement, une première dans un pays musulman. Les autorités algériennes ont donné leur feu vert au printemps dernier. «Cela nous permettra d'y associer toutes les victimes algériennes», soulignait récemment Jean-Paul Vesco, l'évêque d'Oran, interrogé par Libé.

Côté algérien, s’il y a des réticences, c’est bien sûr ce thème, à savoir pourquoi honorer spécifiquement ces morts-là. Dans les années 90, la guerre civile en Algérie a fait au moins 150 000 victimes dans la population. Des imams, au nombre de 114, qui s’étaient élevés contre les violences ont, eux aussi, été assassinés. Pour leur rendre hommage, l’évêque d’Oran a prévu un moment de prière partagée à la grande mosquée de la ville, juste avant les béatifications.

A Tibéhirine, le monastère et la tombe des moines sont devenus un lieu de pèlerinage informel, attirant principalement des Algériens. Dimanche, les familles venues assister à la béatification devraient s'y rendre. «Les moines étaient des personnes très respectés, rappelle Mireille Duteil, autrice d'un livre sur l'histoire de Tibéhirine. Je crois qu'il y a un sentiment de honte chez les Algériens de ce qui leur est arrivé, de leur enlèvement à leur mort.» Comme le raconte le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, les moines étaient très proches de la population locale. Ils avaient prêté un bâtiment pour que les villageois y installent une mosquée de fortune. Frère Luc, un médecin d'origine lyonnaise, avait ouvert un dispensaire où il soignait les habitants des environs. «Ce qui demeure pour nous tous, c'est le témoignage de leur fraternité», retient Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, invité aux cérémonies de samedi.