Menu
Libération
Reportage

Marche pour le climat : «Gilets jaunes, planète bleue, tous en vert»

COP 24dossier
Des milliers de personnes ont manifesté pacifiquement à Paris pour défendre le climat, parmi lesquelles de nombreux gilets jaunes.
Marche pour le climat à Paris le 8 décembre. (Photo Stéphane Lagoutte pour Libération)
publié le 8 décembre 2018 à 19h39
(mis à jour le 8 décembre 2018 à 19h42)

«Merci aux gilets jaunes qui ont rejoint cette marche !» Les invités du jour ont été bien accueillis par la sono à Paris, et dans les rangs des militants écolos traditionnels qui eux aussi marchaient ensemble pour la troisième fois cette année. Bien visibles dans la foule, ils étaient des dizaines à fleurir ce samedi parmi les manifestants – 25 000 selon les organisateurs, 17 000 selon la police – de la Marche pour le climat.

Alors que les Champs-Elysées s'embrasaient, la place de la Nation s'est tranquillement remplie en début d'après-midi pour cet événement prévu de longue date et orchestré simultanément dans des centaines de villes dans le monde, pendant la COP 24 qui se déroule en Pologne. En France, une coalition d'associations parmi lesquelles les Amis de la Terre, Attac, Alternatiba ou Greenpeace, avaient pris en charge l'organisation.

Si quelques voix – parmi lesquelles Christophe Castaner, Nicolas Hulot et le WWF – réclamaient un report de l'événement pour des raisons de sécurité, la marche mondiale a bien eu lieu, dans une ambiance très bon enfant jusqu'à la tombée de la nuit. Des tensions ont ensuite éclaté avec les forces de l'ordre, plusieurs heures après l'arrivée du cortège place de la République.

«Ce ne sont pas les start-up et le CAC 40 qui doivent diriger le monde»

Le parcours du rassemblement avait d'ailleurs été modifié au dernier moment, afin d'éviter la proximité avec les Champs-Elysées. Mais cela n'a pas empêché les écolos de se sentir solidaires des gilets jaunes. «On est là pour marcher dans la joie et la bonne humeur, pour la justice climatique mais aussi la justice sociale», a bien expliqué le speaker alors que les manifestants se mettaient en route.

Manuel, militant écolo, n'a pas envisagé de se rendre aux manifs gilets jaunes, mais il n'aurait pas été contre l'idée de se rendre sur les ronds-points. «Les gilets jaunes, cela ne me pose pas de souci, mais il faut qu'ils prennent conscience de nos problématiques. Sur ce point, les lignes ont bougé et bougent encore», se félicite-t-il. Plus loin, on croise Cécile, 72 ans, en gilet jaune orné d'un autocollant EE-LV. «J'ai déjà été à deux manifs de gilets jaunes, explique-t-elle. Aujourd'hui j'ai préféré rejoindre le cortège le plus organisé mais on ne peut pas rester séparés sinon on ne gagnera rien. Ce qui se passe est grave : les gens ne sont pas écoutés, ni respectés. Ce ne sont pas les start-up et le CAC 40 qui doivent diriger le monde. Ceux qui vont faire quelque chose, c'est nous, les petits.»

«Sauve un panda, taxe un banquier»

Frédéric, 58 ans, distribue des autocollants gilets jaunes : «Macron, rend l'ISF d'abord.» «En ce moment, quarante ans de mépris ressortent. Grâce à un gilet jaune, on voit enfin des gens qu'on n'avait jamais vus ni entendus», dit-il. Lui dit être là parce que «cette manifestation est prévue de longue date, elle a failli être interdite et en plus c'est la COP 24. C'est important d'être nombreux de manière pacifique aujourd'hui», ajoute-ilUne main tendue qu'on voit aussi au mélange des slogans classiques – «On est plus chauds que le climat» – avec des panneaux adaptés aux circonstances : «Gilets jaunes, planète bleue, tous en vert», «Sauve un panda, taxe un banquier» ou «CRS tendresse».

Au milieu du parcours, on croise un militant du PCF qui taille la bavette avec une «désormais électron libre» qui porte un gilet jaune. Les constats sont les mêmes : «Il faut arrêter de déconner avec l'écologie, ça doit être primordial, et il ne faut pas faire payer les pauvres», dit l'un ; «il ne peut y avoir de transition écologique sans transition sociale», renchérit l'autre. Autre signe de convergence, Félix, 24 ans, vêtu d'un gilet jaune et d'un t-shirt «Justice pour Adama», arrive de Saint-Lazare. Il admet ne pas y connaître grand-chose sur les questions d'écologie, mais il est là pour «remettre en question un système de répression» et «montrer qu'il y a un soutien populaire».

En tête de cortège les 200 militants vêtus de gilets jaunes siglés du mouvement ANV-COP 21 se sont chargés d'éviter tout débordement physique et verbal jusqu'à l'arrivée à République où des porte-parole de l'encadrement ont invité les gens à quitter les lieux en fin d'après-midi. Le concert, annoncé sur les réseaux sociaux et censé réunir Abd al Malik, Jeanne Cherhal, Lambert Wilson, Juliette Binoche, Lou Doillon, Emily Loizeau ou encore Xavi Polycarpe, n'a pas eu lieu, faute d'autorisation pour installer la scène.