Annie Ernaux s’attendait à «quelque chose». Dès les premières mobilisations le 17 novembre, l’auteure de Mémoire de fille (Gallimard 2016) s’intéresse aux gilets jaunes dans lesquels elle voit une insurrection contre le mépris d’un pouvoir. Pour l’écrivaine, Emmanuel Macron, déconnecté du réel, fait preuve d’un «inconscient de classe». Celui-ci s’exprime aussi bien dans ses paroles - «les gens qui ne sont rien» - que dans son attitude -évoquer la crise depuis l’Argentine comme si la situation française comptait moins que l’état du monde. Elle a signé la semaine dernière dans Libération une tribune où elle appelle, avec d’autres intellectuels, à la convergence des gilets «jaunes, verts, rouges, roses» .
«Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, il y a un mauvais climat. Pas de désespoir, le mot serait trop fort, plutôt une perte d'espérance. Vous savez, je pense à cette phrase de Diderot dans le Neveu de Rameau sur la dignité : "Cela se réveille à propos de bottes."
«Il a suffi d'une taxation de trop pour que le sentiment de ne pas compter, de n'être rien, explose. Je vois dans le mouvement des gilets jaunes une insurrection contre un pouvoir qui méprise, un gouvernement qui ignore la vie des gens. J'ai encore le souvenir de mes parents disant : "Avant 1936 et le Front populaire, l'ouvrier n'était pas compté."