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Libération
EDITORIAL

Pain

publié le 10 décembre 2018 à 21h56

«Je vous ai compris ?» Non : je commence à vous comprendre. Mal assuré au commencement de sa péroraison, dans la condamnation des violences comme dans le diagnostic compassionnel qu’il a livré - l’humilité ne lui est pas naturelle -, le Président a trouvé un ton plus juste dans la suite de son intervention. Il est vrai qu’il abordait sa partie concrète : 100 euros pour les salariés au smic grâce à l’augmentation de la prime d’activité, abandon de la hausse de la CSG pour les retraités modestes, exonération des heures supplémentaires. Les mesures sont simples, concrètes, immédiates. Des miettes ? Non. Un peu de pain pour ceux qui en manquent cruellement.

Est-ce assez ? On en doute. Rien sur la désindexation des retraites, ni sur l’avancement des baisses de la taxe d’habitation. Rien surtout, ou presque, sur la nécessaire contribution des plus riches à l’effort commun. Sur le plan symbolique, c’est le manque le plus criant. Une nouvelle fois, les gilets jaunes observeront que la classe dirigeante, au bout du compte, échappe pour l’essentiel aux sacrifices qui, pourtant, ne lui coûteraient pas grand-chose. Prononcé il y a dix jours, le même discours aurait sans doute apaisé une grande partie de la colère. Au cœur d’une crise nationale, il n’a ni l’ampleur ni la hauteur qui marquent les discours historiques. Quant aux réformes démocratiques annoncées - une dose de proportionnelle, si l’on comprend bien, une prise en compte du vote blanc -, elles restent floues et prudentes. On s’en remet pour la suite aux maires, ces élus qui échappent à l’opprobre général - et souvent injuste - qui frappe la classe politique. Le vieux monde des élus locaux appelé au secours du nouveau, dont la nouveauté s’est usée en dix-huit mois… Le Président parie sur un reflux du soutien de l’opinion aux gilets jaunes. Reflux possible. Mais le mouvement, selon toutes probabilités, ne s’arrêtera pas du jour au lendemain.