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Libération
Interview

Téléthon : «Nous avons reçu beaucoup de courriers nous disant que la pression fiscale empêchait de donner»

La présidente du Téléthon, relégué au second plan à cause des manifestations, revient sur les résultats très moyens de la collecte de dons de ce week-end.
Nagui, Sophie Davant, Pascal Obispo, la directrice du Téléthon Laurence Tiennot-Herment et la directrice de France Télévisions Delphine Ernotte (Photo Gilles Scarella. AFP)
publié le 10 décembre 2018 à 12h07

Laurence Tiennot-Herment est épuisée comme rarement, au point d’avoir perdu sa voix. Présidente de l’AFM-Téléthon, elle sort d’un week-end qui, pour cause de tempête sociale, a vu sa collecte de fonds engranger 69,3 millions d’euros de promesses de dons, une manne en nette baisse de 10% par rapport à l’édition 2017.

Cette année, des animations et défis prévus à Paris, Bordeaux ou Rouen ont dû être annulés en prévision de l’acte IV des «gilets jaunes». La très grande majorité des 20 000 points d’animation prévus a cependant été maintenue, avec 250 000 bénévoles mobilisés dans tout le pays. Laurence Tiennot-Herment évoque ses doutes et ses craintes.

Pas trop déçue par cette édition 2018 ?

Je dirais que ce sont des sentiments partagés. Car on a vécu des moments forts en émotions, des plus belles aux plus angoissantes.

C’est-à-dire…

Jamais de mémoire de Téléthon, nous n'avons montré autant de bonnes nouvelles, avec des succès thérapeutiques. Des enfants hier malades et aujourd’hui guéris, notamment dans le domaine des déficits immunitaires, ou avec Mathilde qui, hier était clouée sur son fauteuil, et depuis marche. Dans les très bonnes nouvelles, il y a aussi les résultats soulignant l’efficacité de la thérapie génique dans les maladies du muscle. Bref de magnifiques moments. Et en même temps, un compteur qui, au fil des heures, peinait à monter, eu égard aux contextes que l’on connaît, avec une vraie tempête sociale. Nous étions inquiets. Nous avions reçu ces derniers mois beaucoup de courriers de donateurs retraités, nous disant que la pression fiscale les empêchait, cette année de donner…

Ce qui est nouveau ?

Oui, autant de courriers, c’est tout à fait nouveau. Vous savez, on a beaucoup de petits donateurs, dont la plupart ne paient pas d’impôts sur le revenu. Ce sont des gens qui font des sacrifices pour donner au Téléthon. Enfin, il y a eu ce sentiment de faire des choses et de ne pas être visible parce que les médias étaient sur autre chose. Tous mettaient en avant des images de violences, négatives, des images anxiogènes. Alors que nous, comme le disait le professeur Axel Kahn, nos images illustraient le plus beau visage de la France, la France solidaire, unie, et généreuse.

Depuis quelques années, il semble que les dons au Téléthon plafonnent.

Sincèrement, on joue de malchance, avec des télescopages de notre rendez-vous et des événements nationaux et internationaux, certains dramatiques comme le Bataclan. Il y a eu l’année dernière, aussi, la mort de Johnny, il y a deux ans l’annonce du retrait de François Hollande de la présidentielle, tous les médias se tournant vers les candidats potentiels.

Comment se prémunir devant les aléas de l’actualité ?

Solliciter nos donateurs, maintenir un lien direct avec eux. Et puis peut-être agir plus sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, 40% des dons viennent du terrain, et la collecte sur Internet est autour de 20-22 millions. Il faut faire mieux, donc.

Si les dons stagnent, allez-vous devoir revoir vos objectifs à la baisse ?

Si on n’a pas assez, c’est sur la recherche que l’on devra être vigilant. Sur les essais en cours, on doit tenir nos engagements. Mais ce sont sur les projets qu’il faudra faire des choix. Aujourd’hui, nous avons 77 projets de médicaments qui devraient entrer en clinique, ou qui sont déjà en cours d’expérimentation. Ce sont ces projets qui sont en danger. Mais je le redis, on peut donner encore, au 3637 jusqu’à la fin de cette semaine, et sur Internet jusqu’à la fin du mois.