C’est tombé sur les boîtes mail des journalistes alors que l’archevêque de Strasbourg commençait à célébrer la messe pour la paix à la cathédrale de Strasbourg. La préfecture annonce l’arrivée de Castaner pour une réunion sur la sécurisation du marché de Noël dans une heure, suivie d’un point presse. Bon. Le ministre est arrivé, tarde à apparaître. Discussions en coulisses. Il annonce la réouverture du marché de Noël le lendemain puis s’en va. C’est tout. Flottement dans l’air. Le service communication congédie les journalistes. Puis non, il faudrait attendre un peu.
Ce soir-là, c’est encore un soir où on entend des hélicos dans la nuit. Une opération est en cours au Neudorf. Encore le Neudorf, l’avenue de Colmar, là où Chérif Chekatt a terminé son parcours meurtrier mardi soir, là où il a vécu, son père aussi. Là où les forces de l’ordre ont conduit des opérations plus tôt dans l’après-midi.
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Chérif Chekatt aurait été neutralisé. On fonce. L’avenue de Colmar est bloquée par des fourgons de CRS au niveau de la voie ferrée qui l’enjambe, à l’intersection avec la rue du Lazaret. Mur de gyrophares sous le pont. Mur de caméras en face. Au-delà du pont, c’est la Meinau. De l’autre côté, au début de l’avenue, c’est l’hôtel de police devant lequel Chérif Chekatt s’est fait déposer par le taxi. Un bouchon commence à se former. Inévitablement, il s’allonge.
Les habitants du quartier affluent, envahissent les voies de tram au milieu. Aux jeunes du quartier se mêlent les automobilistes descendus des véhicules à l’arrêt. L’ambiance est électrique, la tension palpable. Certains racontent avoir entendu des détonations. Les gendarmes repoussent la foule à une cinquantaine de mètres.
Goulot d’étranglement
Les journalistes scrutent les smartphones d’éventuels témoins à la recherche de vidéos prometteuses. Qui a vu quoi et, surtout, qui a filmé ? Sur le trottoir, un homme s’emporte. Il s’emporte contre Chérif Chekatt. Il est nerveux. Des passants, des cyclistes, aimeraient juste rentrer chez eux. La scène devient un goulot d’étranglement. Les forces de l’ordre demandent de reculer encore. Deux gendarmes discutent discrètement, ils s’inquiètent, un collègue aurait été blessé.
Sur le trottoir, l’homme s’emporte de plus en plus. Certains scandent «Macron démission». Ça s’agite. Un pied de caméra est renversé. Au loin, la police remonte vers le rang, ça bouscule. La confirmation tombe. Chérif Chekatt a été abattu. Les fourgons se positionnent en travers, font écran. Derrière, la scène est figée, la police scientifique va arriver. Les fourgons repartent, empruntant les voies de tram. La foule fait une haie d’honneur, applaudit, les voitures klaxonnent. C’est fini. Presque. Des berlines sombres arrivent. Castaner. Finalement, il n’est pas venu seulement pour annoncer que demain on rallumerait notre sapin place Kleber.