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Libération
2019

Européennes : l'UDI tend la main aux déçus de Macron

La formation centriste présidée par Jean-Christophe Lagarde a acté ce samedi lors d'un congrès extraordinaire une liste indépendante aux élections européennes de mai, bien décidée à se démarquer du projet européen défendu par le chef de l'Etat.
Jean Christophe Lagarde, président de l'UDI, lance sa campagne pour les Européennes au congrès extraordinaire de l'UDI à Issy-les-Moulineaux le 15 décembre 2018. (Photo Alain Guilhot pour Libération)
publié le 15 décembre 2018 à 16h21
(mis à jour le 15 décembre 2018 à 16h27)

Une marée de bulletins bleue brandis à main levée : samedi, les quelque neuf cents congressistes de l'UDI réunis dans le grand amphithéatre du Palais des congrès d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) ont voté dans une belle unanimité pour que leur parti mène en propre la bataille des élections européennes de mai 2019. C'est une ovation debout qui salue la montée à la tribune de leur président, Jean-Christophe Lagarde, tête de liste désignée de la formation centriste. Conscients de tourner le dos à l'appel au «rassemblement des pro-européens» lancé par Emmanuel Macron. Un «piège» pour le patron de l'UDI, bien décidé à se démarquer du projet européen «ultralibéral comme la France que le chef de l'Etat essaye de dessiner depuis 18 mois». Surfant à sa façon sur la crise des gilets jaunes, il argumente: «des millions de français souhaitent voter sincèrement pour la reconstruction d'une nouvelle Union européenne mais refusent que leur bulletin de vote soit utilisé ou interprété comme un soutien à un chef de l'Etat qui les a tellement déçus» justifie Lagarde «Sans la liste de rassemblement que nous leur offrons et que je conduirai, ces Français européens se réfugieraient dans l'abstention et ce serait autant de voix, autant de forces perdues pour l'Europe.»

Issy les Moulineaux, le 15/12/18 : Congrès extraordinaire de l'UDI. Vote de l'assemblée pour une liste aux Européennes.

Congrès extraordinaire de l'UDI. Vote de l'assemblée pour une liste aux Européennes. Photo Alain Guilhot pour Libération.

Isolement

Dans ce combat, la petite formation centriste, crédité de seulement 3% de suffrages dans les sondages, semble pour l'heure bien isolée. Guest star du Congrès, Xavier Bertrand est là sans l'être. Le président de la région Hauts-de-France a répondu à l'invitation de Jean-Christophe Lagarde sans toutefois faire le déplacement. C'est en duplex de Saint Quentin qu'il participe à la table ronde sur l'avenir du mouvement des gilets jaunes. Histoire que personne ne s'y trompe, Bertrand revendique d'emblée sa liberté vis à vis de l'UDI d'un «Merci de votre ouverture à ceux qui ne sont plus adhérents à des partis politiques.» Depuis sa démission spectaculaire des Républicains en décembre 2017, l'ancien ministre du travail de Nicolas Sarkozy a renoncé à toute appartenance partisane. Ce qui n'empêche pas celui qui ambitionne de se présenter à la présidentielle de 2022 de vouloir ménager de potentiels alliés et ses troupes, une des chef de groupe au conseil régionale, Valérie Létard, étant cofondatrice de l'UDI et vice présidente du Sénat.

Pour autant, pas question pour lui de se laisser embringuer dans une campagne qui n'est pas la sienne : sa présence connectée au raout centriste ne vaut pas soutien à la liste UDI aux européennes. Bertrand le dit par écran interposé. La vision fédéraliste de l'Europe que défend le parti de Lagarde, il «n'y croit pas». Et le même de préciser sa propre doctrine vis à vis de l'Union. «Je suis attachée à la souveraineté nationale mais il faut une souveraineté européenne qui nous permettent d'exister», dit Bertrand, inquiet à l'idée de voir le prochain scrutin se transformer en référendum pour ou contre Macron. «J'ai dit non à Maastricht en 1992, mais ensuite j'ai toujours fait le choix de l'Europe. Sinon on va se faire broyer par les Etats-Unis ou la Chine. La seule question qui vaille en mai c'est l'Europe stop ou encore et ça ne peut pas être autre chose qu'encore.»

La porte des négociations entrouverte

De cette divergence, Jean-Christophe Lagarde ne se formalise pas. Pour l'heure, la mise en scène de sa proximité avec le patron de la Région des Hauts-de-France lui suffit. Embrayant sur l'intervention de Xavier Bertrand, le patron de la l'UDI en reprend une des punchlines : «Comme Xavier, j'en ai marre des gens qui s'excuse de faire de la politique.» C'est que le chef du parti centriste partage une conviction de Bertrand : le malaise exprimé par le mouvement des gilets jaunes n'est «pas la faute de l'Europe» mais la conséquence d'un dysfonctionnement du «pacte social» qui «protège un quart de la population active qui travaille dans les grandes administrations et les grandes entreprises au détriment des trois autres quarts». Pour le patron de l'UDI, il y a nécessité de construire un «projet national et européen afin de proposer aux Français un nouveau contrat républicain».

Malgré l'euphorie ambiante, et tout en réaffirmant sa volonté de mener «séparément» le combat européen, Lagarde prend toutefois soin de ménager l'avenir : «si on le compare à Mélenchon, à Le Pen, à Wauquiez et même aux socialistes qui ne savent plus où ils sont, Emmanuel Macron est le moins éloigné de nous quand on parle d'Europe» admet-il «Nous serons ensemble sur la même barricade quand il s'agira d'affronter les populistes et les démagogues.» De quoi laisser entrouverte la porte des négociations. Et conforter ceux qui dans l'entourage du chef de l'Etat doute de la capacité de la petite formation centriste à mener son combat à terme.