C'est un serpent de mer qui a ressurgi lundi à Nantes. Le conseil départemental a voté contre le rattachement du département à la Bretagne, une question récemment soulevée par une pétition, mais s'est prononcé pour l'organisation d'un «référendum décisionnel» sur le sujet. Ils ont précisément demandé «à l'Etat et aux parlementaires» d'organiser un «débat serein et constructif» sur la question. Mais ce référendum «ne peut être limité aux seules frontières de la Loire-Atlantique», insistent-ils.
«Consulter les Pays-de-la-Loire reviendrait potentiellement à interdire la réunification, même si les citoyens de Loire-Atlantique et de la région Bretagne y sont majoritairement favorables», a répliqué l'Union démocratique bretonne (UDB), parti autonomiste de centre gauche. «La solution juste est de consulter les citoyens des cinq départements bretons, puis en cas de victoire du "oui", consulter les citoyens de Vendée, de Mayenne, de la Sarthe et d'Anjou sur un possible rattachement à d'autres régions ou sur la création de collectivités propres.»
Echec pour la démocratie
Alors que la Loire-Atlantique fait partie de la région Pays-de-la-Loire, plusieurs associations, dont Bretagne réunie, militent pour son rattachement à la région Bretagne au nom de considérations historiques et culturelles. Fin novembre, Bretagne réunie avait remis au président du département, le socialiste Philippe Grosvalet, une pétition sur le sujet affichant plus de 100 000 signatures, soit 10% du corps électoral de Loire-Atlantique. Appelés lundi à s’exprimer dans le cadre de la loi sur la nouvelle organisation des territoires (1), les 62 élus du département ont rejeté le rattachement par 30 voix contre 13, avec 15 abstentions et 4 élus qui n’ont pas pris part au vote.
Cependant, 55 élus se sont prononcés dans le même temps pour l'organisation d'un référendum dans les deux régions concernées. Un vote symbolique, mais pas plus, car le département ne peut légalement organiser seul un tel vote. «Les habitants des neuf départements des deux régions des Pays-de-la-Loire et de Bretagne doivent s'exprimer parce que ce sont les territoires impactés par un changement de limites, par un changement de frontière, a estimé Philippe Grosvalet. Ce sont tous les habitants de ces deux régions qui sont concernés et donc c'est à eux qu'il faut demander l'avis.»
Paul Loret, coprésident de Bretagne réunie, a déploré «un échec pour la démocratie […] parce qu'une nouvelle fois, on voit bien qu'on ne veut pas écouter l'avis de la population» : «Ça fait quarante ans que le sujet est d'actualité et ça fait quarante ans que les collectivités locales régionales renvoient vers l'Etat et que l'Etat renvoie vers les collectivités locales et régionales, donc on n'avance pas.»
Moteur économique
Si une large majorité des habitants de Loire-Atlantique sont favorables, selon les sondages, à une «réunification» de la Bretagne, une telle perspective effraie Christelle Morançais : la présidente (LR) de la région Pays-de-la-Loire s'est d'ores et déjà prononcée contre le démantèlement de sa région, dont la Loire-Atlantique demeure le moteur économique et un point d'équilibre entre le littoral vendéen et les zones rurales de la Sarthe. Pas gagné, donc, que ce référendum soit organisé un jour. «L'Etat n'a pas obligation de répondre à la demande des conseillers départementaux, concède-t-on au département de Loire-Atlantique. Mais le but, c'était de dire que la loi actuelle était mal fichue, car elle conduisait à une impasse.»
«Ce sera un peu un test par rapport à ce qu'a dit Edouard Philippe sur le fait qu'aujourd'hui, il fallait entendre cette demande d'une démocratie plus directe, plus participative, a ajouté Ronan Dantec, sénateur EE-LV de Loire-Atlantique. Si Edouard Philippe dit non à une demande aussi massivement exprimée, par 105 000 citoyens de Loire-Atlantique, par le conseil départemental à la quasi-unanimité, ce serait totalement incompréhensible.» Dans leur vœu, les conseillers départementaux soulignent, eux, qu'«une nouvelle consultation non suivie d'effet serait un échec démocratique pour notre territoire», alors qu'en juin 2016, la population du département s'était prononcée en faveur du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes… sans que cela empêche Emmanuel Macron d'enterrer le projet.
Mise à jour 19/12 : La ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, a rejeté mardi la demande des élus de Loire-Atlantique en avançant l'argument des mesures législatives, sans lesquelles «l'État n'est pas en mesure d'organiser une consultation sur le sujet évoqué et sur une seule partie du territoire national» comme le relève le site deFrance Bleu.
(1) Votée en 2015, la loi Notre offre un «droit d'option» aux départements souhaitant quitter une région pour une autre, à condition que les élus du département, mais aussi des deux régions concernées, votent en ce sens à une majorité des trois cinquièmes.