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Libération
Reportage

Affluence de doléances à la mairie de Cagnes-sur-Mer

Séduit par la mobilisation des gilets jaunes, l’édile a d’ores et déjà mis en place un cahier où ses administrés peuvent porter leurs revendications.
Le maire de Cagnes-sur-Mer, Louis Nègre, dans sa ville, vendredi. (Photo Laurent Carré pour Libération)
par Mathilde Frénois, envoyée spéciale à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes).
publié le 18 décembre 2018 à 20h16

Ce n'est pas un inventaire à la Prévert. Ni même les doléances de 1789. Juste derrière la porte de l'hôtel de ville de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), un cahier «en faveur d'une écoute des gilets jaunes» a été posé sur le guéridon. En quelques jours, dans cette ville qui frôle les 50 000 habitants, des pages et des pages ont été griffonnées de revendications. Le collectif des petits patrons et artisans y demande la suppression d'une taxe foncière et un certain Aldo davantage de policiers municipaux. Michel veut des transports en commun le week-end dans son quartier et Cyril des abribus. F-C a pour sa part pris le stylo pour la légalisation de la marijuana afin de «donner du boulot aux jeunes». Ce cahier de doléances version 2018, c'est le maire qui en a eu l'idée.

Toilettes

Au premier étage de l'hôtel de ville, en haut des escaliers en marbre de cette vieille bâtisse, Louis Nègre (LR) est assis derrière son bureau. «Il y a 36 000 maires et 36 000 façons d'aborder la problématique des gilets jaunes, expose-t-il. Chacun a sa philosophie de vie.» La sienne, c'est d'aller à la rencontre des gilets jaunes, sans médias. Et de répondre aux questions des journalistes dans la mairie, loin des klaxons de soutien des automobilistes. Balayant toute récupération politique, il s'est rendu seul à trois reprises sur le rond-point occupé de sa commune. «La première fois, c'était il y a trois semaines. Les gilets jaunes de Cagnes se sont surnommés "la ruche" parce qu'ils veulent montrer une démarche constructive, raconte-t-il. Ils ne bloquent pas et ne veulent pas faire exploser le système. Ce n'est pas leur truc.» Séduit, Louis Nègre y «découvre la classe moyenne inférieure», des gens «qui n'ont jamais manifesté» et notamment une dame «qui ne s'était pas mobilisée depuis Mai 68».

Alors jeudi 6 décembre, après une prise de parole des gilets jaunes en conseil municipal, le maire a fait voter l'installation de toilettes chimiques. «Personne n'avait jamais balayé le rond-point, dit-il. Eux, ils entretiennent comme à la maison mais ils étaient obligés de se cacher entre deux plantes pour faire pipi.»

Baromètre

Le côté pratique vite évacué, place à la politique. Louis Nègre et ses conseillers municipaux ont aussi voté une motion et la mise en place du cahier de doléances. Dossier qui sera remis au préfet pour le transférer au gouvernement. C'est sa petite contribution à la grande consultation citoyenne voulue par Emmanuel Macron. «Les maires sont les hommes politiques les plus respectés car ils sont les plus proches des gens et de la réalité du terrain. On est le baromètre, on prend la température tous les jours, analyse-t-il. Quand vous avez une secousse de ce type-là, vous devez la prendre en considération.» Mais le maire de Cagnes-sur-Mer n'encadrera pas le mouvement comme l'a demandé le chef de l'Etat. «Nègre n'est pas chef, dit-il, tout de même satisfait d'avoir été reconsidéré par le Président. Les gilets jaunes ne visent pas une responsabilité locale. Ça se passe très au dessus. Le smic, ce n'est pas moi qui le fixe.»

L'interview terminée, l'élu part à pied à la fête de Noël organisée dans une maison de retraite. Sur le chemin, un employé municipal l'interpelle sur la question des gilets jaunes : «A mon niveau à moi, c'est l'écoute et la transmission aux personnes importantes qui peuvent changer les règles du jeu, estime Louis Nègre. Que les gilets jaunes sachent qu'ils sont la matière vivante, pas des tableaux Excel.»